Showing posts with label Ghonda Nounga. Show all posts
Showing posts with label Ghonda Nounga. Show all posts

Mar 7, 2013

Une promenade bien mouvementée (nouvelle)

Ghonda Nounga
Par Ghonda Nounga

(En mémoire de mon ami et frère Séverin-Cécile Abega, le "maître" des nouvelles


Fomen se sentait minuscule au pied des immeubles bordant l’avenue déserte. De temps à autre, comme pour insuffler une étincelle de vie à ces monstrueuses tours de béton, ou s’en moquer de loin (on n’est jamais trop prudent), une automobile dévalait, en klaxonnant, la pente légère au bout de laquelle l’avenue se perdait, loin là-bas, engloutie par la nappe mystérieuse du fleuve Mélolé. Parfois, un homme passait à pas vifs, l’échine ployée comme sous le poids de quelque inexprimable fardeau. Il disparaissait bientôt à l’autre bout de l’avenue, et l’on entendait quelque temps encore le claquement sec de ses sandales sur le macadam tiède. Puis le silence retombait, étrange et angoissant. 

De temps à autre, Fomen jetait un coup d’œil furtif et avide sur les vitrines des magasins. Un coup d’œil furtif ? Et comment ! On eut dit un voleur évitant de laisser percer ses intentions. De combien de mésaventures cette ville inquiétante n’avait-elle pas été le théâtre depuis qu’on parlait de crise économique ? Le bruit courait que la police vous y arrêtait pour un oui ou pour un non, ou encore, que des malfrats organisés en bandes étaient postés à tous les coins de rue, prêts à vous arracher votre portefeuille, et parfois votre vie. 

Feb 28, 2013

La crise énergétique et sécuritaire confirme les graves lacunes managériales du « Renouveau »

Par Abanda Kpama et Ghonda Nounga 

Une situation récurrente

Les graves détériorations de la fourniture de l’énergie électrique qui se produisent depuis trois mois sur l’ensemble du territoire kamerunais rappellent l’époque où AES-SIROCCO, le repreneur de SONEL, après avoir annoncé les lendemains qui chantent, a plongé le Kamerun dans le noir. Nous étions en 2003. L’on se rappelle que le MANIDEM organisa à Douala et à Bafoussam une série de manifestations contre les « délestages » qui furent violemment réprimées par la police et la gendarmerie. Dix ans après, la situation s’est davantage détériorée. Le chef de l’Etat, a, depuis, annoncé la résolution de ce problème qui empoisonne la vie des Kamerunais et hypothèque le développement du pays. Mais plus il parle et plus les faits le font mentir. Malgré un potentiel hydroélectrique estimé à 55000 MW ! (mégawatts), le Kamerun peine à produire 1200 MW ! En 2003, dans une contribution parue dans le Messager, Abanda Kpama signalait qu’en 2002, le Kamerun n’avait pu produire que 800 MW alors qu’à l’époque, la demande était estimée à 1200 MW ! Dix ans après, AES-SONEL produit 1100 MW au mieux, la demande se situe, d’après les propres estimations cachées de AES-SONEL à 1500 MW ! Sur dix ans, le gap est resté le même : 400 MW. Il s’agit donc d’un déficit structurel, qui ne prend d’ailleurs pas en compte les besoins exprimés de potentiels investisseurs. Nous ne prendrons que l’exemple d’Alucam dont les projets d’extension à Edéa et Kribi sont momentanément enterrés à cause du déficit en hydroélectricité.

Sep 25, 2012

Minuit - Chant d’espoir (poème)

Par Ghonda Nounga
[Extrait de Nausées tropicales, 1978] 

Il est minuit.
Un ange dégringole du ciel en boitillant.
A la roue dentelée du Char des Dieux
Il a sans gloire accroché son auréole cramoisie.
 
Point de trône pour Gabriel
dans l’enfer au pied du Mont Kamerun ! 

Il est minuit
l’heure du démon que la peur de la lumière tyrannise.
Et ceux dont la vie a vaincu les flots pétulants de l’espoir
à ses pieds tombent
et déposent une gerbe sanguinolente. 

Or demain très tôt
Minuit dégringolera de son piédestal
car il ne peut être minuit à toutes les heures du jour.

En attendant demain
il est minuit
où se fige la parturition de mon âme
et je continue de moissonner des lucioles éphémères.
 

Sep 5, 2012

Manifeste pour un front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires



Par Ghonda Nounga
Membre du bureau politique du Manidem

Dans une conférence de presse en 1961, reprenant les thèses niaises de Senghor, son ami et mentor intellectuel, Ahmadou Ahidjo déclarait qu’en Afrique, il n’y a pas de classes sociales et par conséquent, point de luttes de classes. Inutile de dire qu’il tentait par-là de contredire le discours des militants de l’UPC et des combattants de l’ALNK. Mais à quoi Ahidjo attribuait-il donc le formidable acharnement des Kamerunais dans leur lutte contre le colon ? Certainement pas à la volonté chez ces Kamerunais de défendre les intérêts matériels et moraux des déshérités en quoi la colonisation les avait transformés. Peut-être, et c’est beaucoup plus plausible, à quelque tumulte inexplicable dans la fameuse « âme nègre. » Comme on le sait, un dictateur, c’est d’abord un ignorant ! 

Apr 1, 2012

RDPC, le monstre en bout de course

(contribution bénévole à la fête du 24 mars)


Par Ghonda Nounga et Faustin Cabral Bekolo


Dans une interview reprise par divers fora kamerunais à la veille du dernier congrès du RDPC, M. Tobie Ndi récidive et rêve à nouveau de remplacer M. Paul Biya à la tête de leur parti. Et il dit, à haute et intelligible voix (oh le téméraire !), que son parti doit «devenir ce véritable cadre de débats où l'on pense plus que l'on ne danse, afin de recouvrer véritablement son rôle de force de proposition, d'évaluation et d'autocritique dans l'accompagnement du pouvoir dont les responsables sont issus de ses rangs. Enfin, il est temps de dessiner les options d'une relève au sommet du parti. » Surprenante lucidité dans une organisation où l’on danse davantage qu’on ne pense ! (Dixit le chef même du parti). 

Jan 13, 2012

Acte de reniement (Poème)

Par Ghonda Nounga

(extrait de Nausées tropicales, 1978)

Je renie ma tribu et m’en détourne
et mes jambes
vite
très vite
s’enfuient de ces lieux où l’esprit s’enlise.
De l’enclave aux esclaves
je n’emporte que mon chant et mon poème
le chant de la liberté
le poème de l’homme.

Dec 4, 2011

L’exploitation de l’homme par l’homme : notions de base

(Cours de formation d’accueil des nouveaux militants du Manidem - Leçon 1)

INTRODUCTION


Si nous avons choisi d’adhérer au Manidem, qui est un parti d’opposition au régime de M. Biya, c’est parce que nous avons conscience de ce que quelque chose ne va pas dans notre pays. Comme l’on dit souvent : « le Kamerun va mal. » Nous avons, par notre engagement au Manidem, décidé d’aider à changer les choses. Nous voyons qu’il y a une minorité de gens qui ne souffrent pas ; qui vivent bien ; qui mangent bien tandis que les autres meurent de faim. Ces gens envoient leurs enfants étudier à Mbeng pendant que ceux des autres n’ont ni livres ni cahiers, et que leurs parents n’ont pas de quoi leur payer la pension scolaire. Les riches vont se soigner à l’étranger pour le moindre rhume tandis que les autres Kamerunais meurent de paludisme, de choléra, de tuberculose, etc. Pourquoi ces inégalités ? Pourquoi les uns ont-ils des palais et les autres des taudis ?

Nov 21, 2011

Les deux abatteurs et le baobab - Parabole politique

Par Ghonda Nounga

Deux hommes ont à abattre le plus gros baobab du village. Pourquoi faire ? La parabole ne nous le dit pas.

Les deux hommes ne disposent chacun que d’un petit couteau, empruntés tous les deux à des enfants qui pelaient de belles papayes bien juteuses non loin de l’arbre.

L’un des deux hommes, au vu de l’ampleur de l’œuvre à accomplir, rend à l’enfant son couteau, puis s’assied sur une souche où il donne l’impression de se perdre dans ses pensées.

L’autre, saisi comme de frénésie, empoigne prestement son couperet, pousse un puissant cri de guerre qui fait frémir les roseaux alentour, et se met à la tâche, traitant le premier homme de paresseux, de peureux et même de complice du baobab à l’infâmante réputation.

Nov 3, 2011

De la dialectique comme outil d’analyse et de lutte politiques

Par Ghonda Nounga
(Exposé fait devant le Bureau politique du Manidem le 29 octobre 2011)

I. INTRODUCTION

Il y a deux manières de voir le monde, ce qui signifie également qu’il y a deux manières d'appréhender «la» politique (comprise comme «l’ensemble des options prises par les gouvernants d'un pays dans les divers domaines de leur autorité, et comprise également comme la manière de gouverner» – démocratie, dictature, etc.) et «le» politique («ce qui relève de l'exercice du pouvoir dans l'État, ou ce qui est théorie générale de cet exercice»).

La première manière de voir le monde est dite «métaphysique». Elle fige et pétrifie la nature et ses réalités. Ses productions peuvent être assimilées à une série de simples photographies à deux dimensions étalées sur la longue table de l’éternité, sans véritable lien entre elles.

La deuxième méthode d’appréhension du monde et de ses réalités est la méthode «dialectique», que nous examinerons plus en détail, et dont les productions peuvent être comparées à un long film infini permettant de voir le monde dans son mouvement.

Oct 19, 2011

Mon billet pour Achille Mbembe

par Ghonda Nounga

Achille,

Tu as écrit beaucoup de choses sur la lutte du Peuple kamerunais, certaines très enlevées, et d’autres franchement calamiteuses. Cette inconstance dans ton jugement tient d'une chose essentielle, l’absence de lien entre tes idées et la pratique historique de tes compatriotes.

Oct 18, 2011

Lettre ouverte aux petits criticailleurs crypto-rdépécistes

par Ghonda Nounga

Je lis beaucoup de verbiage sur divers fora kamerunais, de la part de personnes qui, bien à l’abri derrière leurs écrans en matière plastique, prennent les militants et dirigeants de l’opposition pour des connards, des arriérés mentaux, des analphabètes de la chose politique, etc., eux-mêmes étant, bien entendu, de grands génies. Si l’on est si génial dans la chose politique, pourquoi laisser son peuple continuer à souffrir en se contentant de ricaner et d’admonester derrière un clavier d’ordinateur ?

May 3, 2011

Kamerun : l’Etat fascisant

Par Ghonda Nounga

La répression exagérément brutale des émeutes de février 2008, qui indiquaient clairement le rejet du régime de M. Biya par les populations kamerunaises, a montré au grand jour la nature essentiellement violente d’un Etat qui, depuis la fin des années de braises (1990-1994), affichait un visage faussement débonnaire. Nous en étions, jusqu’en ce fameux mois de février 2008, à une dictature “molle” (ou “conviviale”, selon le mot d’Anicet Ekane). Et nous en sommes à nouveau, comme aux temps d’Ahidjo, à des formes plus rigoureuses de violence physique, et de harcèlement idéologique et psychologique.

Apr 15, 2011

Côte d’Ivoire : des leçons pour l’opposition révolutionnaire kamerunaise

par Ghonda Nounga

Tous ceux qui sont en lutte contre des ennemis plus forts (tel l’impérialisme) savent par cœur :
  1. qu’il faut en permanence évaluer les rapports de forces et accorder ses actions tactiques à ce rapport sans jamais perdre de vue ses objectifs stratégiques ;

  2. que quand la mangue tombe avant la période de la cueillette, le paysan ne s’en prend pas au vent, mais examine l’état de la tige car, comme dit le bon peuple, « le vent ne fait que son travail » (comme il est de la nature de l’impérialisme d’être rapace et guerrier !) ;

  3. et que par conséquent, il ne sert à rien de larmoyer, et qu’il vaut mieux « regarder là où on a glissé plutôt que là ou on est tombé » (encore un merveilleux proverbe africain). C’est bien ce que recommandait le poète et militant Agostinho Neto en son temps : « Nous combattrons, les yeux secs. » L’impérialisme a encore frappé en Côte d’Ivoire, c’est plus que vrai. Mais inutile de hurler et maudire les dieux.
L’on en conviendra aisément, pour peu qu’on ait une certaine vision du développement de l’histoire des peuples, le problème en Côte d’Ivoire, contrairement à ce qu’en pense le commun des mortels, n’est pas celui d’une opposition entre deux individus. Bien qu’il n’en ait pas l’air, il renvoie clairement aux conflits de classes en Côte d’Ivoire, du moins tels que ces conflits se déploient depuis l’indépendance de ce capitalisme de périphérie plus ou moins prospère sous Houphouët. Nous ne nous étendrons pas outre mesure sur cet aspect de l’actualité en Côte d’Ivoire. Mais il est bon de noter que dans la crise qui vient de prendre fin, il était aussi vain de détester Gbagbo que d’aduler Ouattara.

En réalité, on doit considérer Gbagbo comme une figure tragique, et il formerait bien le sujet d’une pièce de théâtre à l’instar de La tragédie du roi Christophe (parole de dramaturge !). Voici un homme, avec des idées relativement honnêtes, qui arrive au pouvoir de manière calamiteuse (comme il le dit lui-même), avec un parti - le FPI - idéologiquement et structurellement faible, dans lequel s’engouffreront bientôt les « Ivoiritaires » qui ont servi et sévi sous Bédié quelques années plus tôt.

Pour que l’affaire « saute aux yeux » de mon lecteur, qu’il imagine des révolutionnaires kamerunais arrivant au pouvoir dans leur désorganisation actuelle, sans milliers de cadres formés. Comment pourraient-ils éviter l’invasion de leur administration par la petite bourgeoisie bureaucratique actuelle, opportuniste à souhait, qui consacre le plus clair de son temps en séminaires, colloques et symposiums, réunions de restitution et autres étrangetés du même genre, à Kribi, au lieu de prendre à bras le corps les problèmes des masses ? Dans une conduite de déni du réel désagréable, ces révolutionnaires ne finiraient-ils pas, comme Gbagbo, par sombrer dans une surenchère révolutionnaire, nationaliste et panafricaniste de verroterie ?

Pour ce qui est de l’intervention des impérialistes (français ici en l’occurrence), ne faisons pas dans le moralisme niais : quoi de plus « normal » ? Où a-t-on jamais vu un impérialisme doux et gentil ?

Et que faut-il faire pour parer aux interventions impérialistes dans nos pays ? La réponse est simple et intransigeante : il faut travailler à faire du peuple un bloc uni et maitre de son destin, y compris en démocratisant fondamentalement le pays, et il faut travailler à faire des peuples africains un bloc uni, pour que les rapports de forces en soient inversés au niveau national, africain et international.

Est-ce ce que Gbagbo a entrepris de faire ? Et comment aurait-il pu réussir, même s’il s’était attelé à cette tâche, avec une administration envahie par des Ivoiritaires hargneux ?

La tragédie de la Côte d’ivoire est celle d’ambitions politiques relativement justes, incarnées dans un parti (le FPI) faible, sans véritable boussole, et sans assise de masses. Au lieu que nous tirions les leçons de cette tragédie qui a transformé Gbagbo (à son corps défendant peut-être) en dictateur et en imposteur, nous nous voilons la face sur les vraies causes du drame ivoirien.

L’impérialisme est le facteur externe et il rencontre un facteur interne favorable ! Les patriotes africains doivent prendre grand soin de travailler à renforcer le « facteur interne. » C’est une tâche urgente à entreprendre tout au long de la lutte pour le pouvoir et avant même l’accession à celui-ci.

Et le fait que Gbagbo n’ait pas tenu dix jours militairement est significatif. Qu’on se rappelle que les combattants pour l’indépendance véritable du Kamerun ont tenu de 1955 à 1972, parfois avec de simples machettes et sans avoir jamais flirté avec le moindre pouvoir, même pas municipal ! Le fait que Gbagbo, après 10 ans au pouvoir, ait tenu à peine une dizaine de jours indique que lui-même et son parti n’avaient de soutien que purement électoral (comme M. Biya) et non pas populaire (comme ce serait l’idéal pour l’opposition révolutionnaire).

Nous avons dans l’histoire du Kamerun un véritable laboratoire de ce que c’est que la lutte contre l’impérialisme. Ce passé est une gigantesque encyclopédie politique vivante à laquelle nous ferions mieux de nous référer de temps à autre. Et on y trouvera que la meilleure manière d’apporter notre assistance à un autre peuple africain, ce n’est pas de vitupérer et larmoyer, ce n’est pas de maudire l’impérialisme et les dieux, mais de créer chez soi un « autre Vietnam ».

Che Guevara recommandait de créer mille Vietnam. Et nous avons au Kamerun les esclavagistes que sont Bouygues, Total, et Bolloré, ce dernier payant aux ouvriers agricoles 15 000 FCFA par mois pour 12 heures de travail journalier. Si ce n’est pas là une manifestation patente de l’impérialisme français, qu’est-ce que c’est donc ? Aider ces ouvriers et d’autres esclaves de la France à s’organiser, c’est aider le peuple ivoirien et les autres peuples (y compris non africains), sans risquer de se tromper de partenaire et d’ennemi, et sans risquer de se tromper de combat.

Apr 2, 2011

Côte d’Ivoire : la ruine presque cocasse de l’intellectualité au Kamerun

Par Ghonda Nounga

La grande faillite des intellectuels africains au sujet de la Côte d’Ivoire provient de ce qu’ils n’ont pas su (ou pu ?) réajuster leurs schèmes d’analyses à la nouvelle géopolitique mondiale subséquente à la chute du stalinisme en URSS. Ces intellectuels se croient encore en pleine guerre froide. Et pourtant, l’ingénu de Voltaire, qui vit et survit dans les élobis de nos quartiers, a quitté le manichéisme de la guerre froide depuis belle lurette. Mais nos Jean-Paul Sartre locaux (ou diasporés) s’y complaisent encore, se soutenant les uns les autres dans un chorus d’idées branlantes.

Or l’impérialisme lui-même s’est réajusté après la chute de l’URSS ! Dans sa quête d’un nouvel ennemi à brandir pour justifier ses actes de prédation, il s’est tourné vers ses propres fabrications antérieures : les talibans. Et ces talibans ne sont en réalité qu’une maigre poignée de gens dont Washington et ses amis pourraient se débarrasser en un tournemain. Mais alors, quel autre justificatif auraient-ils alors pour leurs perpétuelles guerres de rapine ?

Par ailleurs, et le plus sérieusement du monde, leurs idéologues (et quelques dirigeants états-uniens) ont envisagé une « guerre des civilisations » contre les pays musulmans. L’impérialisme, nous l’a dit Lénine il y a belle lurette, a besoin de la guerre comme l’organisme animal a besoin de sang.

Avec le soulèvement des peuples arabes, l’impérialisme, pour ne pas être pris à défaut comme nos intellectuels « progressistes », cherche à nouveau à se réadapter. Car, que peut ouvertement cet impérialisme contre des peuples qui, s’emparant de ses propres professions de foi universalistes pour la démocratie et les droits de l’homme, se dressent contre les dictatures dont cet impérialisme était le soutien inconditionnel ? Et l’on comprend qu’Obama, Sarkozy et leurs copains veuillent désormais prendre les devants pour éviter la radicalisation de ces révoltes.

Et que disent nos intellectuels demeurés face à ces nouveaux enjeux ? Dans le droit fil de leurs interprétations oiseuses de ce qui se passe en Côte d’Ivoire, ils inventent le mythe selon lequel ce sont Obama, Sarkhozy et leurs copains qui seraient derrières les révoltes arabes, déniant ainsi aux peuples la capacité de se révolter pour tenter de prendre leur destin en main. Drôle de posture intellectuelle quand on est Kamerunais et qu’on a connu (au moins par ouï-dire) la gigantesque épopée du peuple kamerunais sous la direction de l’UPC !

Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, quelle est sa place dans le schéma ci-dessus esquissé de manière sommaire ? Les choses sont d’une simplicité à faire pleurer : sous Houphouët comme sous Gbagbo, la Côte d’Ivoire a été et reste la « propriété » de la France, laquelle, dans une sorte de gentlemen’s agreement, autorise ses alliés impérialistes à y faire des affaires. Avec Ouattara, la situation ne sera certainement pas différente. Mais ici, l’avantage pour le peuple ivoirien et l’Afrique en général, c’est que la démocratisation de la vie politique et l’alternance constituent déjà en elles-mêmes un grand pas vers la conscientisation et la politisation des masses. Pour le comprendre, il ne suffit que d’imaginer le formidable souffle qui soulèvera le Kamerun quand Biya s’en ira, quel que soit par ailleurs son successeur !

Gbagbo aurait dû comprendre et mettre en pratique ce principe d’un forumiste kamerunais : gouverner pour le bien-être de son peuple, instaurer la démocratie de manière à ce que ce peuple soit le souverain maitre de son destin et qu’il puisse mettre et démettre ses dirigeants, c’est, quoiqu’on puisse en dire, gagner déjà une bataille contre l’impérialisme.

Mais Gbagbo ne pouvait le comprendre. Il était aussi anti-impérialiste que moi je suis pape.

Les dieux en soient remerciés, l’URSS staliniste est tombée. Sinon, en CI, nous aurions vu les Occidentaux soutenir Ouattara tandis que ladite URSS aurait soutenu l’usurpateur Gbgabo. Et la guerre aurait duré un siècle pour la plus grande satisfaction « anti-impérialiste » de ces étranges intellectuels que sont Calixte Beyala, Gaston Kelman et d’autres qui, s’ébrouant dans un avatar de négritude (à rebours), expulsent joyeusement les Nasser du panafricanisme en le confondant allègrement avec le « pan-négrisme. »

Qu’est-ce qu’il serait utile, pour les temps à venir, de passer en revue l’illogisme et la rhétorique des bas-fonds qui ont accompagné la célébration béate du « panafricanisme » et de l’« anti-impérialisme » de l’imposteur Gbagbo ! Parce que l’histoire ne prend pas de congés ; parce qu'elle ne prend pas de vacances ; et parce que nous devons rester lucides et vigilants au possible.