Par Ghonda Nounga
Membre du bureau politique du Manidem
Dans une conférence de presse en 1961,
reprenant les thèses niaises de Senghor, son ami et mentor intellectuel,
Ahmadou Ahidjo déclarait qu’en Afrique, il n’y a pas de classes sociales et par
conséquent, point de luttes de classes. Inutile de dire qu’il tentait par-là de
contredire le discours des militants de l’UPC et des combattants de l’ALNK. Mais
à quoi Ahidjo attribuait-il donc le formidable acharnement des Kamerunais dans
leur lutte contre le colon ? Certainement pas à la volonté chez ces
Kamerunais de défendre les intérêts matériels et moraux des déshérités en quoi
la colonisation les avait transformés. Peut-être, et c’est beaucoup plus plausible,
à quelque tumulte inexplicable dans la fameuse « âme nègre. » Comme
on le sait, un dictateur, c’est d’abord un ignorant !
Plus proches de nous dans le temps, des
universitaires et autres intellectuels, désireux pourtant de mettre à bas le
régime de M. Biya et de ses auxiliaires, suggèrent de mettre momentanément une
sourdine aux luttes de classes, pour pallier la faiblesse actuelle de
l’opposition et lui permettre ainsi d’atteindre le miraculeux consensus qui
ferait d’elle un regroupement redoutable et invincible. Ces luttes,
clament-ils, pourront reprendre à loisir dans un Kamerun véritablement démocratique,
une fois le Renouveau abattu.
Ces compatriotes veulent-ils nous faire
croire que les luttes de classes se font par décret des hommes politiques, qui
peuvent les suspendre et les reprendre quand bon leur semble ? Ne
savent-ils pas que ces luttes sont des données objectives, totalement
indépendantes de nos consciences ? Ne savent-ils pas que la lutte contre le
colonialisme d’abord, puis contre le néocolonialisme ensuite, était et est
encore à ce jour une lutte de classes au sens propre du terme ? L’erreur que
commettent ces compatriotes – bien intentionnés pourtant – c’est de confondre les
joutes et rivalités inévitables entre partis politiques de l’opposition avec un
phénomène qui ne dépend ni de nous, ni des dieux, mais de la trajectoire
objective et implacable de l’Histoire.
Fondée sur de telles prémisses, la vision des
problèmes politiques actuels du Kamerun et de l’Afrique est chimérique. Elle
ressort, de toute évidence, d’une conception purement idéaliste du monde (dixit
les philosophes), qui n’existerait donc pas par soi-même et ses propres
processus internes, mais par des opérations de notre (saint) esprit. Tout patriotisme
et tout panafricanisme issus d’une telle vision des choses seront - de toute
nécessité, entachés de subjectivisme.
Le présent exposé s’attèlera à montrer brièvement, dans la même veine :
- que la situation actuelle du Kamerun commande la constitution d’un front des forces progressistes révolutionnaires ;
- que ce front doit nécessairement être panafricaniste, la situation actuelle du Kamerun étant une espèce de « démonstration par l’absurde » des méfaits du néocolonialisme sur l’ensemble de notre continent (et il est bon de se souvenir, ici, que le Kamerun a été le laboratoire originel de ce néocolonialisme et l’une de ses expressions les plus cruelles et abjectes) ;
- qu’à moins de vouloir faire dans le patriotisme et le panafricanisme subjectivistes, la lutte contre le néocolonialisme est nécessairement une lutte contre le capitalisme, et une lutte pour le socialisme à plus ou moins brève échéance ;
- que le panafricanisme révolutionnaire est en réalité un internationalisme.
- et que le progressisme panafricaniste révolutionnaire est un processus d’accumulation de connaissance et d’expériences, et non pas un dogme.
Marx dit : « L’Etat, c’est l’organisation de la société. » De l’époque de
l’esclavage à nos jours, en passant par nos différentes féodalités
traditionnelles, la société est organisée de manière à garantir la domination
d’un groupe d’hommes sur les autres. Les dominés peuvent être les jeunes, les
femmes, mais plus essentiellement, ce sont les membres des classes
sociales inférieures de la société. Les classes dominantes organisent la
société de manière à protéger et préserver leurs privilèges matériels et moraux. Pour ce
faire, elles se servent de l’appareil
d’Etat, qui comporte les forces armées et de police, les tribunaux, les prisons,
etc., mais également les différents appareils de « l’idéologie dominante »
(journaux et autres médias, école, religion, etc.). Rien n’échappe à cette
organisation de la société, ni la production des biens économiques, ni la vie
familiale et les relations entre sexes, ni la vie intellectuelle, ni même les
divertissements. Tout est dûment régenté, enrégimenté et enregistré !
Avant l’indépendance du Kamerun, l’ensemble de
la société était organisée au bénéfice du colon Blanc, y compris avec l’aide
des missionnaires chrétiens. L’indigénat, le travail forcé, les réquisitions obligatoires
de main d’œuvre ainsi que de produits agricoles, aquatiques et forestiers
faisaient partie de l’organisation économique de la société, que le colon
complétait en imposant sa propre culture et son idéologie aux populations kamerunaises,
au détriment de nos propres cultures. La lutte que menaient donc les Um Nyobe
contre la colonisation était une lutte de libération nationale certes, mais elle
était essentiellement une authentique lutte des classes, assise sur cette
dimension économique du colonialisme qu’est l’exploitation de la force de travail
du colonisé.
Avec l’avènement d’Ahmadou Ahidjo au pouvoir,
l’exploitation du travailleur kamerunais par le néo-colon converti en
respectable « homme d’affaires » se double d’une autre
exploitation pour le compte de la bourgeoisie locale kamerunaise. Aux SMIG de
misère payés aux employés des diverses branches du secteur industriel s’ajoute
la surexploitation du labeur des paysans dans le cadre de coopératives et
d’organismes étatiques (genre ZAPI, CAPLAMI, ONCPB, etc.) qui, comme les
fameuses « Sociétés africaines de prévoyance » de l’époque coloniale,
travaillent à prendre au paysan jusqu’au
dernier sou qu’il pourrait engranger. Tout ceci se fait dans le cadre d’une répression
féroce et sanglante de toute dissidence, comme on le sait. La société est à
nouveau organisée, comme à l’époque coloniale, et avec les moyens de coercition
de l’Etat, pour assurer la domination d’un groupe d’hommes sur d’autres hommes
dont on assujettit la force de travail. Si ce n’est pas là une oppression de
classes, qu’est-ce que c’est donc ?
La pratique politique de Paul Biya se
situera dans le droit fil de celle de son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, jusqu’à
l’orée des années 90, quand les révoltes du peuple kamerunais lui imposent d’accepter
de mauvais gré une ouverture au multipartisme qu’il cadenasse immédiatement en
réduisant ce multipartisme à une pratique purement administrative. Mais les
rapports de force au sein de la société ont tout de même changé, et la répression
ne peut plus se faire avec le même entrain qu’auparavant. Dans le même temps,
le gouvernement de Paul Biya se soumet au diktat de ces instruments du capitalisme financier international
que sont le FMI et la Banque mondiale. La mode est au libéralisme économique,
aux privatisations à tout crin, et des appels retentissent aux quatre coins du pays
pour le désengagement de l’Etat de tous les secteurs de la vie économique et
même sociale. Pour ces institutions, il s’agit surtout et avant tout – les plus
niais n’ont pas tardé à le comprendre - de
faire rembourser ces faramineuses montagnes de dettes auxquelles les pays
africains ont souscrit avec enthousiasme dans les années 70.
Au sein de la bourgeoisie bureaucratique
kamerunaise, que les privatisations à outrance et les appels au désengagement
de l’Etat ont dépouillé de toute activité fondamentale et de tous
scrupules, les colloques et symposiums à Kribi, rapidement suivis de détournements volumineux de fonds et de la
mise en place de réseaux quasi-officiels de corruption, deviennent les modus operandi et vivendi d’une
administration condamnée à tourner désormais en rond sans prise réelle sur le
pays concret. « Enrichissez-vous et tant pis pour les autres ! » Telle semble alors être la devise au sein de
la faction bureaucratique de notre bourgeoise. Ainsi que l’a montré un article
d’Abanda Kpama l’année dernière, il naît même au sein de cette classe sociale
des théories ubuesques selon lesquelles les détournements et autres délits
financiers seraient des instruments légitimes d’accumulation primitive du
capital en vue d’impulser définitivement l’économie kamerunaise et de hisser notre
pays au rang des puissances mondiales ! Cet encanaillement de l’Etat prend
une telle tournure que des analystes parlent « d’Etat maffieux », et
le Kamerun acquiert une telle réputation que
Paul Biya, dont son ancien confident, Titus Edzoa, dit pourtant que les
Kamerunais ne peuvent pas imaginer à quel point il est riche, met sur pied la
bancale opération « Epervier », en espérant s’en prévenir lui-même. Les
révélations contenues dans les quatre premières lettres de Marafa Hamidou Yaya
ont montré à quel point tout le monde est mouillé, y compris le « capo de
tutti » national, qui veut nous faire croire qu’il est au-dessus de la
mêlée. Or l’appareil de l’Etat, sous la gouverne de Paul Biya himself, devient un instrument de
dépouillement des populations pour la gloire matérielle de la bourgeoisie
bureaucratique. Aussi, les seuls investissements visibles dans les années 90
consisteront en la construction d’une pléthore de centres des impôts et de
commissariats et gendarmeries.
Encore une fois, comme à l’époque coloniale et
comme sous Ahidjo, la société est organisée de manière à garantir la domination
d’une minorité d’hommes sur la majorité des autres, et le pillage des produits
de la force de travail de cette majorité par la minorité, avec immobilisation
totale de la vie politique, syndicale et associative par l’interdiction des
réunions publiques et l’arrestation illico
presto des contrevenants.
Cette situation d’encanaillement de l’appareil
d’Etat et d’immobilisation forcenée de la vie politique, syndicale et
associative pourrait paraitre spécifique au Kamerun, au regard des progrès
accomplis ici et là ailleurs en Afrique, en matière de démocratie, de droits de
l’homme et de gestion du bien public.
Mais il est loisible de considérer le Kamerun, au vu de son long passé
ininterrompu de dictature brutale et sanguinaire, comme la manifestation du
summum des horreurs que peut atteindre la pourriture du système néocolonial,
une espèce de « démonstration
concrète » des méfaits du système capitaliste et de ses avatars en
Afrique : le colonialisme d’abord,
et le néocolonialisme ensuite. D’ailleurs, le Kamerun ayant été le laboratoire
du néocolonialisme en Afrique, et la plus précoce et l’une des plus dures des
dictatures capitalistes néocoloniales, n’est-il pas historiquement
compréhensible que le capitalisme s’y achève sur cette note piteuse ? Sauf à croire
en la génération spontanée des phénomènes politiques, économiques et sociaux,
la situation actuelle du Kamerun témoigne bel et bien de la ruine du
capitalisme dans notre pays. Que penser donc des hommes politiques qui ont
encore le front de nous proposer le capitalisme comme voie de développement et
horizon futur pour notre pays ?
II.
L’opposition telle qu’elle va : le
G7 et le MRC
Face à cet état des lieux, les divers
courants de l’opposition ne peuvent plus être jugés sur la flamboyance du verbe
de leurs dirigeants, ou la coupe de leurs vêtements, ou encore quelque charisme
hérité d’on ne sait quel événement de notre passé. Ils ne doivent désormais
être jugés que sur leur efficacité potentielle, laquelle est déductible des
propositions argumentées qu’ils font
pour mettre radicalement fin au système de brigandage auquel a abouti le
capitalisme dans notre pays.
Mais déjà, l’on peut noter que certains
partis politiques ont décidé de se réunir dans ce qu’ils nomment le G7. Il
s’agit, entre autres, du SDF (Fru Ndi), de l’UDC (Ndam Njoya) ; du PAP
(Paul Ayah Abine), de la Dynamique (Albert Nzongang), de l’AFP (Ben Muna). Fondamentalement, ce regroupement
appartient à la mouvance néocoloniale, tant par l’appartenance antérieure de tous
ses dirigeants à l’UNC d’Ahidjo que par la nature intrinsèquement libérale des programmes
et propositions politiques et économiques des partis. Sans entrer en profondeur
dans l’analyse de ces programmes et propositions, l’on peut dire qu’ils se
caractérisent, en gros, par la condamnation de l’immoralité du régime actuel,
et la nécessité d’introduire (ou de réintroduire – c’est selon !) une
certaine moralité dans la gestion de la chose publique. C’est à juste titre que
« l’éthique » est la revendication fondamentale de l’un de ces
partis : l’UDC. Il n’est nullement question pour eux de remettre en cause
la nature capitaliste-périphérique du système. Ils ne se prononcent jamais
là-dessus, de peur certainement d’irriter la France, car tous, sans exception,
sont convaincus que le pouvoir au Kamerun ne s’obtiendra qu’en s’avilissant
devant le maître français. Pour eux, ce n’est pas le système qui est en
cause ; ce sont les gens chargés de le gérer, et il s’agit d’en convaincre
la France. De là à penser que Biya parti, ce sera le fin des problèmes du pays,
il n’y a qu’un pas, souvent vite franchi. Cette illusion se traduit, dans la
pratique, par une chimère plus pernicieuse encore : il suffirait de
dénoncer Paul Biya le plus vigoureusement possible à tort et à travers, de le
gronder ou de le cajoler alternativement, pour que le système prenne peur ou
ait honte, et s’effondre comme un château de cartes. Ceci témoigne d’une
conception erronée de la nature et de l’évolution du système actuel.
Il n’est pas nécessaire d’indiquer que
cette opposition travaille objectivement pour la pérennisation du système
désormais en ruine, en toute conscience, et même très consciencieusement. Elle
travaille donc nécessairement contre le peuple kamerunais. L’on reprendrait à
leur égard, à quelque chose près, cet adage bien de chez nous : la
tolérance envers le vautour est une injustice faite au poussin.
Depuis quelques mois se met en place un nouveau
regroupement, le MRC, composé essentiellement d’intellectuels et d’universitaires,
avec pour figures de proue Alain Fogue, Maurice Kamto, Stéphane Akoa, Sosthène
Médard Lipott, et bien d’autres personnes qu’on ne saurait soupçonner à priori
d’aller à la mangeoire. Ils ont pour autre caractéristique d’appartenir
quasiment tous à une génération d’intellectuels qui n’a pas flirté avec l’UNC
d’Ahidjo, et relativement peu avec le RDPC de Paul Biya (à l’exception de
Maurice Kamto, ministre de Paul Biya il n’y a pas si longtemps). Peu nombreux parmi
eux appartenaient à des partis politiques avant leur ralliement au MRC.
Bien que son principal dirigeant, Alain Fogue
Tedom, affirme (à juste titre) que seul leur prochain congrès déterminera leurs
propositions politiques, économiques, sociales et culturelles, l’orientation
idéologique du MRC ne fait aucun doute. Il s’agit à nouveau d’un libéralisme
fondé sur une économie de type capitaliste. Là où le bien mal-nommé G7 voit la
nécessité d’une moralisation du système, le MRC s’élève un degré plus haut et affirme
l’exigence d’une «véritable» république. Avec qui ? Avec quelles classes
sociales aux commandes ? Pour qui ? Au profit de qui ? Au
détriment de qui ? Ces questions sont fondamentales pour juger un projet
de société. Et nous disons pour le moment notre méfiance fondée sur le principe
de précaution suivant : en politique, et dans une société divisée en
classes sociales antagonistes, les propositions apodictiques, universelles dans
le temps et l’espace, universelles pour tout un chacun et pour tout le monde,
se font toujours au détriment des classes exploitées et des déshérités. Ce
principe de précaution n’empêche cependant pas que le Manidem suive avec
beaucoup d’attention l’évolution de ce regroupement.
III. Pour
un front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires
Toute lutte politique est une affaire de
rapports de forces, et l’on ne peut espérer renverser un pouvoir solidement planté
sur ses multiples jambes que sont la violence, la corruption et le tribalisme, sans
s’affairer à renverser les rapports de forces entre ce pouvoir et les
populations. Ceci induit la nécessité, non pas de regroupements impotents par
essence comme le G7, mais d’un large front de forces qui représenteraient les
intérêts matériels et moraux de tous les exploités de la société, de tous ceux
aux dépends de qui se fait l’organisation actuelle de la société. Par son
ancrage dans les classes sociales ci-dessus évoqué, ledit front se constituera
en une organisation potentiellement progressiste et révolutionnaire. Encore
faut-il que cette potentialité soit effectivement
réalisée pat l’action concrète !
La connaissance de la nature du système, de
son évolution, de ses forces et faiblesses, de ses accointances politiques et
idéologiques africaines et internationales, est ce qui échappe de toute
évidence à l’opposition regroupée au sein du G7, et à toute opposition de même
nature. Mais les données énumérées ci-dessus seraient inopérantes dans le
renversement du système si l’on n’y adjoignait d’autres connaissances tout
aussi fondamentales, relatives, cette fois, au peuple kamerunais, à ses forces
et faiblesses, son expérience de la lutte, et ce qu’on peut considérer au sein
du peuple comme les catégories sociales à potentialité révolutionnaire.
L’histoire du Kamerun au cours du siècle écoulé est
une gigantesque encyclopédie vivante dans laquelle les pouvoirs successifs
d’Ahidjo et Biya ont puisé les artifices de leur répression (politique des
« divisions africaines » par
exemple, pour utiliser l’expression d’Um Nyobe ; mairies de «plein et
moyen exercice» comme à l’époque coloniale, par l’institution de délégués du
gouvernement, etc.). Cette histoire est également celle du peuple kamerunais,
de son expérience de la lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme, y
compris sous la forme de la lutte armée. En ce sens, l’upécisme révolutionnaire
est la mémoire de la lutte du peuple. Et
Hubert Kamgang a tout à fait raison d’écrire :
« Le régime néocolonial est bien en
place. Pour le renverser, pour modifier le rapport de forces, il faut en face
une force au moins équivalente. Il est grand temps que soient rassemblées
toutes les forces upécistes et néopanafricanistes révolutionnaires
authentiques. Il s’agit évidemment d’autre chose que de ces regroupements qui
utilisent le prestigieux sigle UPC pour collaborer avec le régime néocolonial
et négocier leurs prébendes à la « mangeoire nationale. »
Toute opposition qui, à l’heure actuelle, ne ferait
pas recours à l’upécisme révolutionnaire, serait vouée, par son déni de la
longue expérience de lutte du peuple kamerunais, à « chercher trop
longtemps avant de trouver ce qui existe déjà », comme le dit le bon
peuple. Avec l’upécisme révolutionnaire, le Kamerun cesse d’être un inextricable
et un incompréhensible chaos. Les problèmes de la vie politique, économique, sociale
et culturelle cessent d’être perçus du simple point de vue de leurs
manifestations symptomatologiques, parce que
l’upécisme révolutionnaire va à la racine des phénomènes. C’est pour
cela qu’il est le fondement efficace de la lutte pour mettre fin au système
maffieux qui nous gouverne.
Et que dit l’upécisme révolutionnaire, sur
le fondement d’analyses concrètes, depuis les Um Nyobe ?
- que le colonialisme et le néocolonialisme sont des formes (des avatars) du capitalisme sous sa forme impérialiste, ainsi que l’indiquent d’ailleurs tous les livres d’histoire ; et que par conséquent, la lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme est une lutte des exploités contre les possédants et les dominants, une lutte entre le travail et le capital, c’est-à-dire une authentique lutte des classes ; en d’autres termes, une lutte pour le socialisme, à moyen ou à long terme – peu importe ;
- que faire front au niveau du Kamerun contre le néocolonialisme est insuffisant pour renverser véritablement les rapports de forces, étant donné que ce néocolonialisme a ses métastases dans toute l’Afrique depuis l’époque coloniale ; et qu’il est indispensable de fédérer les luttes des peuples africains pour espérer vaincre le monstre transnational ; d’où la nécessité du panafricanisme, qui n’a rien de la posture émotionnelle et métaphysique des tenants de la négritude et du pan-négrisme, mais qui est une démarche politique et historique ;
- que le néocolonialisme étant un avatar du capitalisme sous sa forme impérialiste, tous les peuples qui subissent l’impérialisme doivent se mettre ensemble pour y mettre fin ; et que le panafricanisme révolutionnaire est par conséquent un internationalisme.
Pour les progressistes et panafricanistes
révolutionnaires, la grande foule des exploités au Kamerun, en Afrique et
ailleurs dans le monde, constitue le socle du changement et du devenir au
Kamerun, en l’Afrique et dans le monde. Pour eux, point de messie, point
d’homme providentiel ou de deus ex
machina. Le salut est dans la lutte, ce qui signifie concrètement la
conscientisation et la mise en mouvement du Peuple, en se tenant bien à l'écart
du funambulisme idéologique des agents de désorientation eux-mêmes complètement
désorientés, tels qu’on les trouve dans l’opposition cosmétique du G7 et ailleurs.
Comme l’a dit avec raison Valentin Dongmo Fils, vice-président du Manidem : «Il
ne faut pas craindre d’être isolés, mais isolés avec le peuple !»
IV.
L’upécisme révolutionnaire : une
pratique qui se théorise
Mais l’upécisme révolutionnaire n’est pas un
dogme ! Il n’est pas un catéchisme que l’on récite, la main sur le cœur.
La raison en est simple : l’upécisme révolutionnaire ne conçoit pas le
monde comme une nature morte, une série de données statiques et figées, mais
comme un complexes de processus qui autorisent et favorisent l’accumulation des
connaissances et des expériences. Aussi, la venue à l’upécisme révolutionnaire
ne saurait se faire comme on accède à une classe supérieure dans les lycées et
collèges, après un examen aux épreuves dûment notées par on ne sait quel
maître.
Ici, pour parler comme Kwame Nkrumah, le
critère de la vérité est la pratique objective de la lutte et non le « théoricisme »
de ce que d’autres ont nommés les «révolutionnaires de salon». Point besoin de galimatias
rhétorique. Convenons-nous que la solution à nos problèmes actuels viendra de nous-mêmes
et non de quelque maitre français, américain, ou chinois ? Convenons-nous
que sur ce plan-là, nous n’avons rien à attendre de François Hollande, ou de
Barack Obama ou Hu Jin Tao contrairement à ce que pensent les dirigeants
du G7 ? Travaillons-nous à débarrasser notre pays de l’importun et nuisible franc
CFA en vue de la création d’une monnaie africaine ? Œuvrons-nous à
mobiliser les populations kamerunaises pour bouter hors du Kamerun et de
l’Afrique la France et les autres impérialismes ? Alors, nous sommes
Upécistes révolutionnaires. Encore une fois, le critère de vérité ici est la
pratique et non quelque discours dogmatique et ennuyeux, et la théorie n’est
rien d’autre que le produit de la théorisation de la pratique. Les
révolutionnaires de salon sont moins utiles à la lutte que ces Kamerunais qui,
humblement, s’enfoncent les mains jusqu’au coude dans le cambouis de la mobilisation
tous azimuts en vue de la constitution d’un vaste front populaire politique,
syndical et associatif.
02 ou 03 petites remarques :
ReplyDelete- analyse claire, aux bases solides. Bravo !
- dans la mouvance néo-colonialiste fort bien décrite,n'oublions pas la frange qui lorgne beaucoup en direction des, 1ère puissance mondiale, bien au-dessus de la France...
- pourquoi seulement aujourd'hui un Front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires ?
- pourquoi l'analyse oublie t-elle une description tout aussi sans complaisance des forces progressistes, panafricanistes et révolutionnaires dans le Kamerun d'aujourd'hui?
- Et quelles sont les embûches ou difficultés objectives aujourd'hui pour bâtir un tel front, pour en faire une force hégémonique sans laquelle la véritable alternance est une véritable chimère ?
Le traitement fouillé de ces 3 dernières questions sont, à notre sens, cruciales pour mieux appréhender la stratégie de lutte contre le néo-colonialisme au kamerun qu'aborde en fait le Manifeste.
Djami Saddrack