Sep 5, 2012

Manifeste pour un front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires



Par Ghonda Nounga
Membre du bureau politique du Manidem

Dans une conférence de presse en 1961, reprenant les thèses niaises de Senghor, son ami et mentor intellectuel, Ahmadou Ahidjo déclarait qu’en Afrique, il n’y a pas de classes sociales et par conséquent, point de luttes de classes. Inutile de dire qu’il tentait par-là de contredire le discours des militants de l’UPC et des combattants de l’ALNK. Mais à quoi Ahidjo attribuait-il donc le formidable acharnement des Kamerunais dans leur lutte contre le colon ? Certainement pas à la volonté chez ces Kamerunais de défendre les intérêts matériels et moraux des déshérités en quoi la colonisation les avait transformés. Peut-être, et c’est beaucoup plus plausible, à quelque tumulte inexplicable dans la fameuse « âme nègre. » Comme on le sait, un dictateur, c’est d’abord un ignorant ! 

Plus proches de nous dans le temps, des universitaires et autres intellectuels, désireux pourtant de mettre à bas le régime de M. Biya et de ses auxiliaires, suggèrent de mettre momentanément une sourdine aux luttes de classes, pour pallier la faiblesse actuelle de l’opposition et lui permettre ainsi d’atteindre le miraculeux consensus qui ferait d’elle un regroupement redoutable et invincible. Ces luttes, clament-ils, pourront reprendre à loisir dans un Kamerun véritablement démocratique, une fois le Renouveau abattu.

Ces compatriotes veulent-ils nous faire croire que les luttes de classes se font par décret des hommes politiques, qui peuvent les suspendre et les reprendre quand bon leur semble ? Ne savent-ils pas que ces luttes sont des données objectives, totalement indépendantes de nos consciences ? Ne savent-ils pas que la lutte contre le colonialisme d’abord, puis contre le néocolonialisme ensuite, était et est encore à ce jour une lutte de classes au sens propre du terme ? L’erreur que commettent ces compatriotes – bien intentionnés pourtant – c’est de confondre les joutes et rivalités inévitables entre partis politiques de l’opposition avec un phénomène qui ne dépend ni de nous, ni des dieux, mais de la trajectoire objective et implacable de l’Histoire.

Fondée sur de telles prémisses, la vision des problèmes politiques actuels du Kamerun et de l’Afrique est chimérique. Elle ressort, de toute évidence, d’une conception purement idéaliste du monde (dixit les philosophes), qui n’existerait donc pas par soi-même et ses propres processus internes, mais par des opérations de notre (saint) esprit. Tout patriotisme et tout panafricanisme issus d’une telle vision des choses seront - de toute nécessité, entachés de subjectivisme.

Le présent exposé s’attèlera  à montrer brièvement, dans la même veine :
  • que la situation actuelle du Kamerun commande la constitution d’un front des forces progressistes révolutionnaires ;
  •  que ce front doit nécessairement être panafricaniste, la situation actuelle du Kamerun étant une espèce de « démonstration par l’absurde » des méfaits du néocolonialisme sur l’ensemble de notre continent (et il est bon de se souvenir, ici, que le Kamerun a été le laboratoire originel de ce néocolonialisme et l’une de ses expressions les plus cruelles et abjectes) ;
  •  qu’à moins de vouloir faire dans le patriotisme et le panafricanisme subjectivistes, la lutte contre le néocolonialisme est nécessairement une lutte contre le capitalisme, et une lutte pour le socialisme à plus ou moins brève échéance ;
  •  que le panafricanisme révolutionnaire est en réalité un internationalisme.
  • et que le progressisme panafricaniste révolutionnaire est un processus d’accumulation de connaissance et d’expériences, et non pas un dogme. 
I.        Le Kamerun tel qu’il va

Marx dit : « L’Etat, c’est l’organisation de la société. » De l’époque de l’esclavage à nos jours, en passant par nos différentes féodalités traditionnelles, la société est organisée de manière à garantir la domination d’un groupe d’hommes sur les autres. Les dominés peuvent être les jeunes, les femmes, mais plus essentiellement, ce sont les membres des classes sociales inférieures de la société. Les classes dominantes organisent la société de manière à protéger et préserver leurs  privilèges matériels et moraux. Pour ce faire, elles se servent  de l’appareil d’Etat, qui comporte les forces armées et de police, les tribunaux, les prisons, etc., mais également les différents appareils de « l’idéologie dominante » (journaux et autres médias, école, religion, etc.). Rien n’échappe à cette organisation de la société, ni la production des biens économiques, ni la vie familiale et les relations entre sexes, ni la vie intellectuelle, ni même les divertissements. Tout est dûment régenté, enrégimenté et enregistré !

Avant l’indépendance du Kamerun, l’ensemble de la société était organisée au bénéfice du colon Blanc, y compris avec l’aide des missionnaires chrétiens. L’indigénat, le travail forcé, les réquisitions obligatoires de main d’œuvre ainsi que de produits agricoles, aquatiques et forestiers faisaient partie de l’organisation économique de la société, que le colon complétait en imposant sa propre culture et son idéologie aux populations kamerunaises, au détriment de nos propres cultures. La lutte que menaient donc les Um Nyobe contre la colonisation était une lutte de libération nationale certes, mais elle était essentiellement une authentique lutte des classes, assise sur cette dimension économique du colonialisme qu’est l’exploitation de la force de travail du colonisé.

Avec l’avènement d’Ahmadou Ahidjo au pouvoir, l’exploitation du travailleur kamerunais par le néo-colon converti en respectable « homme d’affaires » se double d’une autre exploitation pour le compte de la bourgeoisie locale kamerunaise. Aux SMIG de misère payés aux employés des diverses branches du secteur industriel s’ajoute la surexploitation du labeur des paysans dans le cadre de coopératives et d’organismes étatiques (genre ZAPI, CAPLAMI, ONCPB, etc.) qui, comme les fameuses « Sociétés africaines de prévoyance » de l’époque coloniale, travaillent à prendre  au paysan jusqu’au dernier sou qu’il pourrait engranger. Tout ceci se fait dans le cadre d’une répression féroce et sanglante de toute dissidence, comme on le sait. La société est à nouveau organisée, comme à l’époque coloniale, et avec les moyens de coercition de l’Etat, pour assurer la domination d’un groupe d’hommes sur d’autres hommes dont on assujettit la force de travail. Si ce n’est pas là une oppression de classes, qu’est-ce que c’est donc ?

La pratique politique de Paul Biya se situera dans le droit fil de celle de son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, jusqu’à l’orée des années 90, quand les révoltes du peuple kamerunais lui imposent d’accepter de mauvais gré une ouverture au multipartisme qu’il cadenasse immédiatement en réduisant ce multipartisme à une pratique purement administrative. Mais les rapports de force au sein de la société ont tout de même changé, et la répression ne peut plus se faire avec le même entrain qu’auparavant. Dans le même temps, le gouvernement de Paul Biya se soumet au diktat  de ces instruments du capitalisme financier international que sont le FMI et la Banque mondiale. La mode est au libéralisme économique, aux privatisations à tout crin, et des appels retentissent aux quatre coins du pays pour le désengagement de l’Etat de tous les secteurs de la vie économique et même sociale. Pour ces institutions, il s’agit surtout et avant tout – les plus niais n’ont pas tardé à le comprendre -  de faire rembourser ces faramineuses montagnes de dettes auxquelles les pays africains ont souscrit avec enthousiasme dans les années 70.

Au sein de la bourgeoisie bureaucratique kamerunaise, que les privatisations à outrance et les appels au désengagement de l’Etat ont dépouillé de toute activité fondamentale et de tous scrupules, les colloques et symposiums à Kribi, rapidement suivis de  détournements volumineux de fonds et de la mise en place de réseaux quasi-officiels de corruption, deviennent les modus operandi et vivendi d’une administration condamnée à tourner désormais en rond sans prise réelle sur le pays concret. « Enrichissez-vous et tant pis pour les autres ! »  Telle semble alors être la devise au sein de la faction bureaucratique de notre bourgeoise. Ainsi que l’a montré un article d’Abanda Kpama l’année dernière, il naît même au sein de cette classe sociale des théories ubuesques selon lesquelles les détournements et autres délits financiers seraient des instruments légitimes d’accumulation primitive du capital en vue d’impulser définitivement l’économie kamerunaise et de hisser notre pays au rang des puissances mondiales ! Cet encanaillement de l’Etat prend une telle tournure que des analystes parlent « d’Etat maffieux », et le Kamerun acquiert une telle réputation que  Paul Biya, dont son ancien confident, Titus Edzoa, dit pourtant que les Kamerunais ne peuvent pas imaginer à quel point il est riche, met sur pied la bancale opération « Epervier », en espérant s’en prévenir lui-même. Les révélations contenues dans les quatre premières lettres de Marafa Hamidou Yaya ont montré à quel point tout le monde est mouillé, y compris le « capo de tutti » national, qui veut nous faire croire qu’il est au-dessus de la mêlée. Or l’appareil de l’Etat, sous la gouverne de Paul Biya himself, devient un instrument de dépouillement des populations pour la gloire matérielle de la bourgeoisie bureaucratique. Aussi, les seuls investissements visibles dans les années 90 consisteront en la construction d’une pléthore de centres des impôts et de commissariats et gendarmeries.

Encore une fois, comme à l’époque coloniale et comme sous Ahidjo, la société est organisée de manière à garantir la domination d’une minorité d’hommes sur la majorité des autres, et le pillage des produits de la force de travail de cette majorité par la minorité, avec immobilisation totale de la vie politique, syndicale et associative par l’interdiction des réunions publiques et l’arrestation illico presto des contrevenants.

Cette situation d’encanaillement de l’appareil d’Etat et d’immobilisation forcenée de la vie politique, syndicale et associative pourrait paraitre spécifique au Kamerun, au regard des progrès accomplis ici et là ailleurs en Afrique, en matière de démocratie, de droits de l’homme et de  gestion du bien public. Mais il est loisible de considérer le Kamerun, au vu de son long passé ininterrompu de dictature brutale et sanguinaire, comme la manifestation du summum des horreurs que peut atteindre la pourriture du système néocolonial, une espèce de  « démonstration concrète » des méfaits du système capitaliste et de ses avatars en Afrique : le  colonialisme d’abord, et le néocolonialisme ensuite. D’ailleurs, le Kamerun ayant été le laboratoire du néocolonialisme en Afrique, et la plus précoce et l’une des plus dures des dictatures capitalistes néocoloniales, n’est-il pas historiquement compréhensible que le capitalisme s’y achève sur cette note piteuse ? Sauf à croire en la génération spontanée des phénomènes politiques, économiques et sociaux, la situation actuelle du Kamerun témoigne bel et bien de la ruine du capitalisme dans notre pays. Que penser donc des hommes politiques qui ont encore le front de nous proposer le capitalisme comme voie de développement et horizon futur pour notre pays ?

II.     L’opposition telle qu’elle va : le G7 et le MRC

Face à cet état des lieux, les divers courants de l’opposition ne peuvent plus être jugés sur la flamboyance du verbe de leurs dirigeants, ou la coupe de leurs vêtements, ou encore quelque charisme hérité d’on ne sait quel événement de notre passé. Ils ne doivent désormais être jugés que sur leur efficacité potentielle, laquelle est déductible des propositions argumentées qu’ils font  pour mettre radicalement fin au système de brigandage auquel a abouti le capitalisme dans notre pays.

Mais déjà, l’on peut noter que certains partis politiques ont décidé de se réunir dans ce qu’ils nomment le G7. Il s’agit, entre autres, du SDF (Fru Ndi), de l’UDC (Ndam Njoya) ; du PAP (Paul Ayah Abine), de la Dynamique (Albert Nzongang), de l’AFP (Ben Muna). Fondamentalement, ce regroupement appartient à la mouvance néocoloniale, tant par l’appartenance antérieure de tous ses dirigeants à l’UNC d’Ahidjo que par la nature intrinsèquement libérale des programmes et propositions politiques et économiques des partis. Sans entrer en profondeur dans l’analyse de ces programmes et propositions, l’on peut dire qu’ils se caractérisent, en gros, par la condamnation de l’immoralité du régime actuel, et la nécessité d’introduire (ou de réintroduire – c’est selon !) une certaine moralité dans la gestion de la chose publique. C’est à juste titre que « l’éthique » est la revendication fondamentale de l’un de ces partis : l’UDC. Il n’est nullement question pour eux de remettre en cause la nature capitaliste-périphérique du système. Ils ne se prononcent jamais là-dessus, de peur certainement d’irriter la France, car tous, sans exception, sont convaincus que le pouvoir au Kamerun ne s’obtiendra qu’en s’avilissant devant le maître français. Pour eux, ce n’est pas le système qui est en cause ; ce sont les gens chargés de le gérer, et il s’agit d’en convaincre la France. De là à penser que Biya parti, ce sera le fin des problèmes du pays, il n’y a qu’un pas, souvent vite franchi. Cette illusion se traduit, dans la pratique, par une chimère plus pernicieuse encore : il suffirait de dénoncer Paul Biya le plus vigoureusement possible à tort et à travers, de le gronder ou de le cajoler alternativement, pour que le système prenne peur ou ait honte, et s’effondre comme un château de cartes. Ceci témoigne d’une conception erronée de la nature et de l’évolution du système actuel.

Il n’est pas nécessaire d’indiquer que cette opposition travaille objectivement pour la pérennisation du système désormais en ruine, en toute conscience, et même très consciencieusement. Elle travaille donc nécessairement contre le peuple kamerunais. L’on reprendrait à leur égard, à quelque chose près, cet adage bien de chez nous : la tolérance envers le vautour est une injustice faite au poussin.

Depuis quelques mois se met en place un nouveau regroupement, le MRC, composé essentiellement d’intellectuels et d’universitaires, avec pour figures de proue Alain Fogue, Maurice Kamto, Stéphane Akoa, Sosthène Médard Lipott, et bien d’autres personnes qu’on ne saurait soupçonner à priori d’aller à la mangeoire. Ils ont pour autre caractéristique d’appartenir quasiment tous à une génération d’intellectuels qui n’a pas flirté avec l’UNC d’Ahidjo, et relativement peu avec le RDPC de Paul Biya (à l’exception de Maurice Kamto, ministre de Paul Biya il n’y a pas si longtemps). Peu nombreux parmi eux appartenaient à des partis politiques avant leur ralliement au MRC.

Bien que son principal dirigeant, Alain Fogue Tedom, affirme (à juste titre) que seul leur prochain congrès déterminera leurs propositions politiques, économiques, sociales et culturelles, l’orientation idéologique du MRC ne fait aucun doute. Il s’agit à nouveau d’un libéralisme fondé sur une économie de type capitaliste. Là où le bien mal-nommé G7 voit la nécessité d’une moralisation du système, le MRC s’élève un degré plus haut et affirme l’exigence d’une «véritable» république. Avec qui ? Avec quelles classes sociales aux commandes ? Pour qui ? Au profit de qui ? Au détriment de qui ? Ces questions sont fondamentales pour juger un projet de société. Et nous disons pour le moment notre méfiance fondée sur le principe de précaution suivant : en politique, et dans une société divisée en classes sociales antagonistes, les propositions apodictiques, universelles dans le temps et l’espace, universelles pour tout un chacun et pour tout le monde, se font toujours au détriment des classes exploitées et des déshérités. Ce principe de précaution n’empêche cependant pas que le Manidem suive avec beaucoup d’attention l’évolution de ce regroupement.

III.  Pour un front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires

Toute lutte politique est une affaire de rapports de forces, et l’on ne peut espérer renverser un pouvoir solidement planté sur ses multiples jambes que sont la violence, la corruption et le tribalisme, sans s’affairer à renverser les rapports de forces entre ce pouvoir et les populations. Ceci induit la nécessité, non pas de regroupements impotents par essence comme le G7, mais d’un large front de forces qui représenteraient les intérêts matériels et moraux de tous les exploités de la société, de tous ceux aux dépends de qui se fait l’organisation actuelle de la société. Par son ancrage dans les classes sociales ci-dessus évoqué, ledit front se constituera en une organisation potentiellement progressiste et révolutionnaire. Encore faut-il que cette  potentialité soit effectivement réalisée pat l’action concrète !

La connaissance de la nature du système, de son évolution, de ses forces et faiblesses, de ses accointances politiques et idéologiques africaines et internationales, est ce qui échappe de toute évidence à l’opposition regroupée au sein du G7, et à toute opposition de même nature. Mais les données énumérées ci-dessus seraient inopérantes dans le renversement du système si l’on n’y adjoignait d’autres connaissances tout aussi fondamentales, relatives, cette fois, au peuple kamerunais, à ses forces et faiblesses, son expérience de la lutte, et ce qu’on peut considérer au sein du peuple comme les catégories sociales à potentialité révolutionnaire.

L’histoire du Kamerun au cours du siècle écoulé est une gigantesque encyclopédie vivante dans laquelle les pouvoirs successifs d’Ahidjo et Biya ont puisé les artifices de leur répression (politique des « divisions africaines »  par exemple, pour utiliser l’expression d’Um Nyobe ; mairies de «plein et moyen exercice» comme à l’époque coloniale, par l’institution de délégués du gouvernement, etc.). Cette histoire est également celle du peuple kamerunais, de son expérience de la lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme, y compris sous la forme de la lutte armée. En ce sens, l’upécisme révolutionnaire est  la mémoire de la lutte du peuple. Et Hubert Kamgang a tout à fait raison d’écrire :

« Le régime néocolonial est bien en place. Pour le renverser, pour modifier le rapport de forces, il faut en face une force au moins équivalente. Il est grand temps que soient rassemblées toutes les forces upécistes et néopanafricanistes révolutionnaires authentiques. Il s’agit évidemment d’autre chose que de ces regroupements qui utilisent le prestigieux sigle UPC pour collaborer avec le régime néocolonial et négocier leurs prébendes à la « mangeoire nationale. »

Toute opposition qui, à l’heure actuelle, ne ferait pas recours à l’upécisme révolutionnaire, serait vouée, par son déni de la longue expérience de lutte du peuple kamerunais, à « chercher trop longtemps avant de trouver ce qui existe déjà », comme le dit le bon peuple. Avec l’upécisme révolutionnaire, le Kamerun cesse d’être un inextricable et un incompréhensible chaos. Les problèmes de la vie politique, économique, sociale et culturelle cessent d’être perçus du simple point de vue de leurs manifestations symptomatologiques, parce que  l’upécisme révolutionnaire va à la racine des phénomènes. C’est pour cela qu’il est le fondement efficace de la lutte pour mettre fin au système maffieux qui nous gouverne.

Et que dit l’upécisme révolutionnaire, sur le fondement d’analyses concrètes, depuis les Um Nyobe ? 
  • que le colonialisme et le néocolonialisme sont des formes (des avatars) du capitalisme sous sa forme impérialiste, ainsi que l’indiquent d’ailleurs tous les livres d’histoire ; et que par conséquent, la lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme est une lutte des exploités contre les possédants et les dominants, une lutte entre le travail et le capital, c’est-à-dire une authentique lutte des classes ; en d’autres termes, une lutte pour le socialisme, à moyen ou à long terme – peu importe ;
  • que faire front au niveau du Kamerun contre le néocolonialisme est insuffisant pour renverser véritablement les rapports de forces, étant donné que ce néocolonialisme a ses métastases dans toute l’Afrique depuis l’époque coloniale ; et qu’il est indispensable de fédérer les luttes des peuples africains pour espérer vaincre le monstre transnational ; d’où la nécessité du panafricanisme, qui n’a rien de la posture émotionnelle et métaphysique des tenants de la négritude et du pan-négrisme, mais qui est une démarche politique et historique ;
  • que le néocolonialisme étant un avatar du capitalisme sous sa forme impérialiste, tous les peuples  qui subissent l’impérialisme doivent se mettre ensemble pour y mettre fin ; et que le panafricanisme révolutionnaire est par conséquent un internationalisme. 
Pour les progressistes et panafricanistes révolutionnaires, la grande foule des exploités au Kamerun, en Afrique et ailleurs dans le monde, constitue le socle du changement et du devenir au Kamerun, en l’Afrique et dans le monde. Pour eux, point de messie, point d’homme providentiel ou de deus ex machina. Le salut est dans la lutte, ce qui signifie concrètement la conscientisation et la mise en mouvement du Peuple, en se tenant bien à l'écart du funambulisme idéologique des agents de désorientation eux-mêmes complètement désorientés, tels qu’on les trouve dans l’opposition cosmétique du G7 et ailleurs. Comme l’a dit avec raison Valentin Dongmo Fils, vice-président du Manidem : «Il ne faut pas craindre d’être isolés, mais isolés avec le peuple !»

IV.   L’upécisme révolutionnaire : une pratique qui se théorise

Mais l’upécisme révolutionnaire n’est pas un dogme ! Il n’est pas un catéchisme que l’on récite, la main sur le cœur. La raison en est simple : l’upécisme révolutionnaire ne conçoit pas le monde comme une nature morte, une série de données statiques et figées, mais comme un complexes de processus qui autorisent et favorisent l’accumulation des connaissances et des expériences. Aussi, la venue à l’upécisme révolutionnaire ne saurait se faire comme on accède à une classe supérieure dans les lycées et collèges, après un examen aux épreuves dûment notées par on ne sait quel maître.
Ici, pour parler comme Kwame Nkrumah, le critère de la vérité est la pratique objective de la lutte et non le « théoricisme » de ce que d’autres ont nommés les «révolutionnaires de salon». Point besoin de galimatias rhétorique. Convenons-nous que la solution à nos problèmes actuels viendra de nous-mêmes et non de quelque maitre français, américain, ou chinois ? Convenons-nous que sur ce plan-là, nous n’avons rien à attendre de François Hollande, ou de Barack Obama ou Hu Jin Tao contrairement à ce que pensent les dirigeants du G7 ? Travaillons-nous à débarrasser notre pays de l’importun et nuisible franc CFA en vue de la création d’une monnaie africaine ? Œuvrons-nous à mobiliser les populations kamerunaises pour bouter hors du Kamerun et de l’Afrique la France et les autres impérialismes ? Alors, nous sommes Upécistes révolutionnaires. Encore une fois, le critère de vérité ici est la pratique et non quelque discours dogmatique et ennuyeux, et la théorie n’est rien d’autre que le produit de la théorisation de la pratique. Les révolutionnaires de salon sont moins utiles à la lutte que ces Kamerunais qui, humblement, s’enfoncent les mains jusqu’au coude dans le cambouis de la mobilisation tous azimuts en vue de la constitution d’un vaste front populaire politique, syndical et associatif.
 

1 comment:

  1. djami saddrack9/15/12, 11:36 AM

    02 ou 03 petites remarques :

    - analyse claire, aux bases solides. Bravo !

    - dans la mouvance néo-colonialiste fort bien décrite,n'oublions pas la frange qui lorgne beaucoup en direction des, 1ère puissance mondiale, bien au-dessus de la France...

    - pourquoi seulement aujourd'hui un Front des forces progressistes et panafricanistes révolutionnaires ?

    - pourquoi l'analyse oublie t-elle une description tout aussi sans complaisance des forces progressistes, panafricanistes et révolutionnaires dans le Kamerun d'aujourd'hui?

    - Et quelles sont les embûches ou difficultés objectives aujourd'hui pour bâtir un tel front, pour en faire une force hégémonique sans laquelle la véritable alternance est une véritable chimère ?

    Le traitement fouillé de ces 3 dernières questions sont, à notre sens, cruciales pour mieux appréhender la stratégie de lutte contre le néo-colonialisme au kamerun qu'aborde en fait le Manifeste.

    Djami Saddrack

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