Par Magnus Biaga
[Editorial du journal Emergence n° 054 du lundi 27 juin 2011]
Gesticuler aujourd’hui en se réfugiant dans un discours nationaliste est tout simplement honteux. Si Laurent Gbagbo en a usé avec un certain succès pendant plusieurs années ; le RDPC et ses principaux responsables sont extrêmement mal inspirés d’y recourir. Parce que précisément si la France est très mal aimée au Cameroun, c’est parce qu’une frange importante de Camerounais lui reproche d’avoir soutenu activement les deux régimes qui se sont succédé au pouvoir. Et, ce n’est pas au soir d’un règne catastrophiquement kilométrique que le pouvoir actuel pourra se reconvertir dans ce type de discours qui est loin, très loin de lui convenir. Avant tout, qu’ils commencent par ériger des monuments pour nos héros nationaux dont ils n’osent même pas prononcer les noms dans leurs discours. Il faut qu’ils restaurent ces héros en racontant la vraie histoire du Cameroun dans les livres et manuels scolaires. En mettant l’accent sur les sacrifices consentis par « ces dignes fils » (dixit René Sadi) de notre pays. Voilà le vrai nationalisme !
C’est avec un sourire au bout des lèvres que j’ai écouté il y a quelques jours René Emmanuel Sadi, secrétaire général du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) demander aux pays étrangers de laisser le Cameroun aux Camerounais. Cette rhétorique a été abondamment reprise par certains militants et cadres de ce parti. Ils se découvrent subitement un certain nationalisme.
Ce qui fait sourire, c’est que ceux qui proclament désormais leur amour pour le Cameroun et son indépendance dépendent presque tous de l’Occident. Je ne reviendrai pas sur les multiples aides et concours financiers que ces pays étrangers apportent à notre pays. On peut supposer que ces « aides » bénéficient au peuple camerounais puisqu’elles servent à financer l’économie nationale et réaliser des projets sociaux qui profitent à plusieurs compatriotes.
Ce qui m’amuse surtout, c’est que si ces pays étrangers – surtout les grandes puissances – rompent les liens avec ces pontes du RDPC qui perçoivent ces pays comme des « menaces », il est fort à parier que les conséquences seront d’abord dramatiques pour eux. Pour me justifier, je vais citer quelques exemples qui montrent bien qu’ils dépendent tous de l’Occident.
Où vont-ils se soigner quand ils sont malades ? C’est bien connu, des chefs d’Etat aux ministres en passant par nos riches hommes d’affaires, ils ont des cliniques privées où ils vont recevoir des soins en cas de difficultés sanitaires. Même pour leurs check-up, ils se déplacent aux pays de ceux qu’ils critiquent aujourd’hui. Incapables de construire des structures hospitalières dignes de ce nom dans leurs pays, ils sont ainsi à la merci des médecins et des politiques occidentaux qui peuvent réaliser des coups d’Etat médicaux à n’importe quel moment. Cette hypothèse a d’ailleurs prospéré concernant l’ancien président camerounais. Ahmadou Ahidjo aurait été, selon une certaine version de l’histoire, soumis à un traitement médical dépressif jusqu’à ce qu’il soit au bord de la folie. La suite, on la connait, il a démissionné de ses fonctions de président de la République. Il y a quelques jours, le président yéménite a quitté son pays en catastrophe pour se soigner dans une clinique saoudienne, et donc hors de son pays. Quand on connait la proximité de l’Arabie Saoudite avec les Etats-Unis, on imagine bien qu’il était facile de maintenir le président Yéménite dans un « coma artificiel » quelques minutes après que les médias internationaux annonçaient qu’il allait mieux et qu’il allait bientôt retourner dans son pays. À méditer.
Où gardent-ils l’argent qu’ils volent dans nos pays ? Dans les banques à l’étranger. Et précisément dans ces pays qu’ils critiquent aujourd’hui. Comme Kadhafi en Libye, c’est quand les Occidentaux gèlent leurs avoirs pendant les moments de crises politiques qu’on les sent offensés. Ce n’est qu’après leurs morts qu’on a su à quel point les Mobutu et autres Sani Abacha avaient accumulé autant de biens et d’argent à l’étranger. Les pontes du RDPC sont donc bel et bien vulnérables et l’on a vu le malaise qui s’est emparé d’eux en pleine tourmente médiatique sur les biens mal acquis. Ils ont tellement d’argent dans les banques européennes et américaines qu’une simple enquête de ces gouvernements suffirait à leur faire perdre le latin. Alors, on peut bien rigoler quand on les voit fustiger l’Occident.
Une dernière question et non des moindres. Dans quelles écoles fréquentent leurs enfants ? Dans les écoles occidentales pendant que les nôtres pataugent dans le système éducatif camerounais. Avant de proclamer son nationalisme, nos pontes du RDPC feraient bien de se rendre compte que leurs propres enfants vivent dans ces pays où les études coûtent toute une fortune. Pendant qu’ils affament le peuple camerounais qu’ils appellent aujourd’hui à se mobiliser pour faire face à ces « ennemis » de l’étranger. Pourquoi les Etats-Unis et la France ne leur donneraient-ils pas de leçons alors même qu’ils ont été formés à leurs écoles (aux frais des impôts de nos parents) et qu’ils leurs sont tellement redevables que le premier d’entre eux avait affirmé publiquement qu’il est « le meilleur élève de la France ».
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