Par Stéphane Akoa
La diversité est un facteur essentiel, à la fois pour l'ouverture d'une société aux approches, aux créativités, qui font le monde autour de nous et aussi, également, nécessairement, notre monde, notre communauté nationale, retenue dans les limites d'un espace, ce cher-pays-berceau-de-nos-ancêtres-et-de-Manu-Dibango… La diversité, car elle dit notre héritage multiculturel, est un principe de réalité. Et de répugnance pour l'ethnocentrie voulue [par un audacieux raccourci épistémologique comme seuls peuvent s'y oser, les apologues, arrogants, égoïstes, vaniteux tribuns aussi pathétiques que prétentieux, zélés laudateurs assimilés lettrés dépossédés de leur vertu transgressive] élaborée sur une récupération maladroite des schèmes du néo-patrimonialisme en guise de production d'une identité pour la Nation. Exilés loin de notre propre devenir, nous sommes spectateurs [indociles certes mais si peu citoyens] des combats qui s'engagent en notre nom ! La diversité, pourtant, enrichit les regards sur les choses d'ici, amende, en les augmentant, les analyses sur la marche de notre pays.
En ces temps particulièrement chahutés où l'on questionne, discute, polémique et se divise sur les causes historiques, économiques, géopolitiques qui font [ou défont] la grandeur des Etats, il n'est pas vain de poser franchement le problème de la forme politique supposée organiser non seulement notre quotidien mais aussi gouverner notre «développement». Car, dans la longue succession des modalités juridico-institutionnelles que les peuples connurent, notre Constitution reste un incroyable et improbable édifice, produit d'une conjonction de circonstances et de manœuvres, conduisant à maintes possibilités sauf à l'édification durable et pérenne, d'une Nation. Trop d'impasses [«oubli» trop prolongé pour ne pas être suspect de certaines institutions, Sénat, Conseil Constitutionnel, notamment]. Trop de raccourcis [«usage» trop systématique pour ne pas être suspect de formulation qui n'appartiennent pas aux catégories de la science juridique, la fameuse «mise en place progressive», notamment]. Trop de rattrapages [ce fameux «débat» sur une affaire d'inéligibilité de quelqu'un trop violent pour ne pas être suspect] aux connotations vulgairement politiciennes énoncées par des [dés]agrégés peu républicains dévoués comme des griots, courtisans courbaturés habillés de peu de foi mais si pressés de plaire au démiurge fouettard…
Avec, au final, une vie politique confisquée par un enjeu unique : si certains, prétendument porteurs de projets alternatifs, face au RDPC, ont un programme qui tient sur un ticket de bus «Biya Must Go», très nombreux, au sein de la formation de Mr Sadi ont un objectif que l'on peut résumer avec une économie de mots : «Biya Must Stay» ! Triste hiératisme idéologique. Anomie d'un avatar de pensée infra-démocratique qui hoquète des certitudes comme d'autres psalmodient des cantiques !
Ne peut-on pas penser «autrement» les catégories du changement ?! Ne peut-on pas s'affranchir d'une causalité nocive qui fait de la figure du présidentiable le point qui seul clive les opinions ?! Et si le vrai changement à exiger n'était pas, en réalité, un changement des formes du système politico-administratif ?! Si en effet, les pseudo-militants sans convictions et autres cartographes des territoires du Pouvoir, toutes ces figures détestables et décadentes dans leurs habits de certitudes et d'esquives, ne nous éloignaient pas du véritable combat, celui d'un changement de paradigme ?! La nature et la structure de notre République, l'ordre et la forme de son gouvernement, la place et le rôle des individus ou des Institutions auxquels ils participent par mandat, sont autant de pièces qui articulent une machinerie à rassembler pour parvenir à des mouvements ordonnés et justes... autant d'équilibres à reconfigurer.
Quand l'Exécutif écrase de sa sidérante puissance tout le dispositif politico-institutionnel, ne doit-on pas penser, par exemple, à revaloriser les missions des assemblées délibérantes, à augmenter les compétences des Chambres en terme de contrôle, de suivi, d'évaluation de l'action publique [ce qui pourrait conduire, notamment, à établir comme principe essentiel l'audition périodique des gestionnaires des deniers de l'Etat ?! Ne peut-on pas réduire, au Palais d'Etoudi, le nombre des conseillers, des chargés de mission, des chargés d'études, des attachés qui se bousculent jusqu'à l'étouffement dans les couloirs du Secrétariat général ou du Cabinet civil ?! Sans oublier la foultitude d'officines aussi peu connues qu'efficaces qu'il conviendrait de revoir à la baisse...
La place symbolique, fastueuse et dispendieuse qu'occupe au Cameroun la position présidentielle née tout à la fois des renoncements successifs des corps intermédiaires peu mécontents, en fait, de se perdre dans une «irresponsabilité» confortable au profit du Prince-Président et d'une centralisation de la décision, pour un contrôle optimum des appareils administratifs, une lutte féroce pour la gestion des prébendes, dans un jeu complexe et sans règles qui agence les postures des courtisans et autres camaraderies de mercenaires sans scrupules, cette place essentielle et excessive doit être revue. C'est un impératif méthodologique.
Note : Lire DHIEL (Charles), La République de Venise, Flammarion, Coll. Champs- 1985. Une passionnante visite au cœur de cette république patricienne qui a fondé son autorité non point sur une puissance territoriale mais sur une prospérité économique et commerciale. Ses institutions furent un modèle dans l'agencement des rapports qu'elles proposaient et des équilibres qu'elles suggéraient.
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