Déclaration du Réseau Associatif des consommateurs de l’énergie / Energy Consumers Associalions Network (RACE)
Vraisemblablement, le point de cassure
tant redouté entre le gouvernement camerounais et les consommateurs d’énergie
sur la question du carburant approche inexorablement.
Et pour cause, mercredi dernier 11
Juillet 2012, l’immeuble « rose » (bâtiment/siège du Ministère du Commerce à
Yaoundé), a servi de cadre à une réunion de concertation restreinte entre les
associations de consommateurs et l’administration en charge de la gestion
pétrolière aval. Cette rencontre était coprésidée par le Ministre du Commerce,
M. Luc Magloire MBARGA ATANGANA, en sa qualité de Président du conseil
d’administration de la CSPH (Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures)
et M. Ibrahim TALBA MALLA, Directeur général de cette entreprise.
Comme avec les syndicats de transporteurs
quelques semaines plutôt, les débats ont évidemment porté sur la suppression
prochaine des subventions publiques sur les produits pétroliers ; décision qui
aura pour corollaire immédiat la hausse des prix à la pompe.
« Pour maintenir les prix à leur niveau actuel cette année, le plafond des subventions est estimé à 400 milliards de FCFA, montant insoutenable par le budget de l’Etat… A cause des travaux de restructuration de la SONARA (Société nationale de raffinage) et de l’ardoise salée de l’Etat vis-à-vis de cette entreprise, nous avons été contraints d’autoriser les marketers privés à importer du pétrole raffiné à des coûts prohibitifs, mais néanmoins subventionnés… Les subventions n’atteignent pas leurs cibles que sont les ménages pauvres, elles profitent essentiellement aux couches sociales favorisées… A ce rythme, nous aurons bientôt le choix entre ne plus construire les hôpitaux, les routes ou les écoles et continuer à subventionner les prix du carburant à la pompe… ».
Voilà en substance, quelques arguments «
massues » évoqués par le PCA et le DG de la CSPH, pour tenter d’obtenir
l’adhésion de la dizaine d’organisations de consommateurs présentes à cette
rencontre.
Outre ces « consultations » accordées à
quelques partenaires sociaux, la CSPH compte engager dans les toutes prochaines
semaines, une campagne nationale de communication pour convaincre le public du
bien fondé de l’arrêt du soutien financier de l’Etat dans ce secteur
névralgique.
En somme, sous l’injonction du FMI et la
Banque mondiale, la mafia nationale du pétrole est résolue à sacrifier les
intérêts des consommateurs d’énergie, sous l’autel de l’austérité.
En réponse à ce chapelet d’arguties
farfelues des 02 représentants du gouvernement, le Président Paul Gérémie
BIKIDIK qui représentait le RACE à cette réunion, a redit l’opposition farouche
des consommateurs à ce projet gouvernemental ; en rappelant son caractère
inique et potentiellement porteur de troubles sociaux graves.
Une fois de plus, nous avons exigé qu’un
lien direct soit établi entre les activités pétrolières amont et aval.
L’absence à toutes ces concertations de la SNH (Société nationale des hydrocarbures),
qui gère les intérêts de l’Etat dans le secteur pétrolier amont, témoigne de la
volonté manifeste des pouvoirs publics de continuer à entretenir « l’omerta »
sur les revenus de la rente pétrolière.
Pourtant, dans l’hypothèse que le montant
de la subvention qu’on nous brandit est juste, les données prévisionnelles
provenant de plusieurs sources concordantes (dont le Recueil des statistiques
et recettes pétrolières publié par la SNH) démontrent que, sous l’effet combiné
de l’amélioration de la production nationale de brut et de la constante
embellie du prix du baril sur le marché international, la commercialisation de
notre pétrole va rapporter entre 03 et 04 fois le montant de cette subvention,
hormis les prélèvements fiscaux et douaniers induits.
Qui plus est, sous anonymat, un cadre de
la CSPH nous a avoué « qu’une éventuelle jonction des activités pétrolières
amont et aval peut avoir un impact positif sur la régulation, notamment en
révélant des niches de ressources supplémentaires susceptibles d’aider au
renforcement de la péréquation actuelle et maintenir durablement les
subventions publiques… ».
Ajouté à ces propos, l’embarras
perceptible des responsables de la CSPH et des différentes administrations
liées à ce secteur, chaque fois que nous soulevons cette idée, laisse entrevoir
que 02 logiques s’opposent au sein de la sphère publique sur la gouvernance du
secteur pétrolier. Celle de la caste de profiteurs occultes qui s’activent à
maintenir le statuquo afin de conserver leurs privilèges d’une part et d’autre
part, celle des partisans silencieux d’une évolution vers une régulation
globale du secteur.
Rappelons que, selon Blaise LEENHARDT
(économiste Français, spécialiste en fiscalité pétrolière), un Etat producteur
de pétrole -comme le Cameroun -peut compter sur au moins 06 postes de
ressources pécuniaires :
- Les bonus (de signature, de découverte, de mise en production, de seuils...).
- Les redevances proportionnelles et les royalties liées à la production, la superficie, etc., et qui sont dues, que l’exploitation soit bénéficiaire ou non.
- Les impôts et prélèvements divers « assis sur les profits » (impôt sur le bénéfice des sociétés ordinaire et éventuellement impôt spécial, partage des dividendes, parts d’actionnaire et revenus des participations dans les sociétés pétrolières nationales et internationales).
- Les revenus indirects (droits de douane, impôts sur les salaires, autres impôts indirects et parafiscalité : sécurité sociale, crypto-taxes comme la « Provision pour investissements diversifiés »).
- Les cessions d’actifs et de participations.
- Enfin, en déduction des sommes précédentes, il faut tenir compte des subventions versées et autres versements effectués suite à des appels de fonds et à des participations aux travaux.
D’ailleurs, à cause de cette gestion confidentielle
et du tripatouillage permanent des chiffres de la manne pétrolière, la
candidature du Cameroun vient d’être une nouvelle fois rejetée par l’ITIE
(Initiative de transparence dans les industries extractives). L’ITIE est une
instance supranationale qui mène des audits dans les pays producteurs et
exportateurs de certains minerais, tel que le pétrole. Depuis 03 ans, notre
pays a été incapable de présenter un seul rapport pouvant justifier de son
admission au statut de « pays conforme », acte qui équivaut à un « certificat
de bonne gouvernance ».
En tout cas, en attendant l’hypothétique
réforme de la régulation pétrolière nationale vers plus de transparence et
d’équité, comme nous l’avions déjà annoncé en Janvier dernier, les
consommateurs n’accepteront pas l’augmentation d’un seul centime de Franc CFA
du prix du carburant à la pompe.
Bref, en cas de passage en force du
gouvernement, de concert avec les syndicats de transporteurs qu’ils n’auront
pas réussi à corrompre, nous allons protester énergiquement contre cette mesure
et exiger par tous les moyens, s’il le faut au prix du sang, la part du «
gâteau pétrolier national» qui nous revient de droit.
L’accès à l’énergie est un droit
essentiel et inaliénable !
Fait à Douala, 14 Juillet 2012
Pour le Bureau Exécutif du RACE
Jean Baudelaire BELENGUE
Secrétaire Général Adjoint
Clément JOU MOUAFO
Membre du Bureau
Patrice NYEMB,
Membre du Bureau
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