Jul 19, 2012

Hausse des prix du carburant : la mafia du pétrole est résolue à sacrifier les consommateurs !

Déclaration du Réseau Associatif des consommateurs de l’énergie / Energy Consumers Associalions Network (RACE)

Vraisemblablement, le point de cassure tant redouté entre le gouvernement camerounais et les consommateurs d’énergie sur la question du carburant approche inexorablement.

Et pour cause, mercredi dernier 11 Juillet 2012, l’immeuble « rose » (bâtiment/siège du Ministère du Commerce à Yaoundé), a servi de cadre à une réunion de concertation restreinte entre les associations de consommateurs et l’administration en charge de la gestion pétrolière aval. Cette rencontre était coprésidée par le Ministre du Commerce, M. Luc Magloire MBARGA ATANGANA, en sa qualité de Président du conseil d’administration de la CSPH (Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures) et M. Ibrahim TALBA MALLA, Directeur général de cette entreprise.

Comme avec les syndicats de transporteurs quelques semaines plutôt, les débats ont évidemment porté sur la suppression prochaine des subventions publiques sur les produits pétroliers ; décision qui aura pour corollaire immédiat la hausse des prix à la pompe.

 « Pour maintenir les prix à leur niveau actuel cette année, le plafond des subventions est estimé à 400 milliards de FCFA, montant insoutenable par le budget de l’Etat… A cause des travaux de restructuration de la SONARA (Société nationale de raffinage) et de l’ardoise salée de l’Etat vis-à-vis de cette entreprise, nous avons été contraints d’autoriser les marketers privés à importer du pétrole raffiné à des coûts prohibitifs, mais néanmoins subventionnés… Les subventions n’atteignent pas leurs cibles que sont les ménages pauvres, elles profitent essentiellement aux couches sociales favorisées… A ce rythme, nous aurons bientôt le choix entre ne plus construire les hôpitaux, les routes ou les écoles et continuer à subventionner les prix du carburant à la pompe… ».

Voilà en substance, quelques arguments « massues » évoqués par le PCA et le DG de la CSPH, pour tenter d’obtenir l’adhésion de la dizaine d’organisations de consommateurs présentes à cette rencontre.

Outre ces « consultations » accordées à quelques partenaires sociaux, la CSPH compte engager dans les toutes prochaines semaines, une campagne nationale de communication pour convaincre le public du bien fondé de l’arrêt du soutien financier de l’Etat dans ce secteur névralgique.

En somme, sous l’injonction du FMI et la Banque mondiale, la mafia nationale du pétrole est résolue à sacrifier les intérêts des consommateurs d’énergie, sous l’autel de l’austérité.

En réponse à ce chapelet d’arguties farfelues des 02 représentants du gouvernement, le Président Paul Gérémie BIKIDIK qui représentait le RACE à cette réunion, a redit l’opposition farouche des consommateurs à ce projet gouvernemental ; en rappelant son caractère inique et potentiellement porteur de troubles sociaux graves.

Une fois de plus, nous avons exigé qu’un lien direct soit établi entre les activités pétrolières amont et aval. L’absence à toutes ces concertations de la SNH (Société nationale des hydrocarbures), qui gère les intérêts de l’Etat dans le secteur pétrolier amont, témoigne de la volonté manifeste des pouvoirs publics de continuer à entretenir « l’omerta » sur les revenus de la rente pétrolière.

Pourtant, dans l’hypothèse que le montant de la subvention qu’on nous brandit est juste, les données prévisionnelles provenant de plusieurs sources concordantes (dont le Recueil des statistiques et recettes pétrolières publié par la SNH) démontrent que, sous l’effet combiné de l’amélioration de la production nationale de brut et de la constante embellie du prix du baril sur le marché international, la commercialisation de notre pétrole va rapporter entre 03 et 04 fois le montant de cette subvention, hormis les prélèvements fiscaux et douaniers induits.

Qui plus est, sous anonymat, un cadre de la CSPH nous a avoué « qu’une éventuelle jonction des activités pétrolières amont et aval peut avoir un impact positif sur la régulation, notamment en révélant des niches de ressources supplémentaires susceptibles d’aider au renforcement de la péréquation actuelle et maintenir durablement les subventions publiques… ».

Ajouté à ces propos, l’embarras perceptible des responsables de la CSPH et des différentes administrations liées à ce secteur, chaque fois que nous soulevons cette idée, laisse entrevoir que 02 logiques s’opposent au sein de la sphère publique sur la gouvernance du secteur pétrolier. Celle de la caste de profiteurs occultes qui s’activent à maintenir le statuquo afin de conserver leurs privilèges d’une part et d’autre part, celle des partisans silencieux d’une évolution vers une régulation globale du secteur.

Rappelons que, selon Blaise LEENHARDT (économiste Français, spécialiste en fiscalité pétrolière), un Etat producteur de pétrole -comme le Cameroun -peut compter sur au moins 06 postes de ressources pécuniaires :
  1. Les bonus (de signature, de découverte, de mise en production, de seuils...).
  2. Les redevances proportionnelles et les royalties liées à la production, la superficie, etc., et qui sont dues, que l’exploitation soit bénéficiaire ou non.
  3. Les impôts et prélèvements divers « assis sur les profits » (impôt sur le bénéfice des sociétés ordinaire et éventuellement impôt spécial, partage des dividendes, parts d’actionnaire et revenus des participations dans les sociétés pétrolières nationales et internationales).
  4. Les revenus indirects (droits de douane, impôts sur les salaires, autres impôts indirects et parafiscalité : sécurité sociale, crypto-taxes comme la « Provision pour investissements diversifiés »).
  5. Les cessions d’actifs et de participations.
  6. Enfin, en déduction des sommes précédentes, il faut tenir compte des subventions versées et autres versements effectués suite à des appels de fonds et à des participations aux travaux.
En réalité, l’opacité et le flou autour du secteur pétrolier amont au Cameroun sont orchestrés depuis le sommet de l’Etat. Tout le monde sait que depuis 1977 (début de l’exploitation du premier bloc pétrolier camerounais), la Présidence de la République a littéralement confisqué la gestion de la rente pétrolière, confinant le MINEE (Ministère de l’Energie et de l’Eau), le MINFI (Ministère des Finances) et les autres administrations liées à ce secteur, à des rôles superficiels de « chargés de missions ». En d’autres termes, tout est fait en sorte que les énormes revenus du pétrole camerounais continuent à profiter aux multinationales, complices du pillage systématique de notre sous-sol et à quelques dignitaires du régime, alimentant par ricochet la grande corruption qui gangrène notre pays.

D’ailleurs, à cause de cette gestion confidentielle et du tripatouillage permanent des chiffres de la manne pétrolière, la candidature du Cameroun vient d’être une nouvelle fois rejetée par l’ITIE (Initiative de transparence dans les industries extractives). L’ITIE est une instance supranationale qui mène des audits dans les pays producteurs et exportateurs de certains minerais, tel que le pétrole. Depuis 03 ans, notre pays a été incapable de présenter un seul rapport pouvant justifier de son admission au statut de « pays conforme », acte qui équivaut à un « certificat de bonne gouvernance ».

En tout cas, en attendant l’hypothétique réforme de la régulation pétrolière nationale vers plus de transparence et d’équité, comme nous l’avions déjà annoncé en Janvier dernier, les consommateurs n’accepteront pas l’augmentation d’un seul centime de Franc CFA du prix du carburant à la pompe.

 Face à cette nouvelle provocation qui se dessine à l’horizon, le RACE appelle les consommateurs à rester mobilisés et prêts à livrer l’ultime bataille pour une juste répartition des retombées de l’exploitation de la rente pétrolière.

 Nous devons définitivement exorciser la malédiction du pétrole au Cameroun, en démantelant la mafia qui s’est accaparé de cette ressource commune depuis plusieurs décennies.

Bref, en cas de passage en force du gouvernement, de concert avec les syndicats de transporteurs qu’ils n’auront pas réussi à corrompre, nous allons protester énergiquement contre cette mesure et exiger par tous les moyens, s’il le faut au prix du sang, la part du « gâteau pétrolier national» qui nous revient de droit.

L’accès à l’énergie est un droit essentiel et inaliénable !

Fait à Douala, 14 Juillet 2012
Pour le Bureau Exécutif du RACE
Jean Baudelaire BELENGUE
Secrétaire Général Adjoint
Clément JOU MOUAFO
Membre du Bureau
Patrice NYEMB,
Membre du Bureau

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