Aug 11, 2012

L’augmentation des prix du carburant est une imposture

Par Abanda Kpama
Président National du Manidem

Depuis bientôt 2 ans, le pouvoir RDPC cherche la méthode idoine qui lui permettrait de procéder à une augmentation sensible du prix du carburant à la pompe sans que cette augmentation ne déclenche des manifestations de rue, à l’instar de ce qui s’est passé en 2008. Le pouvoir fut pris de panique et dut sortir l’artillerie lourde, les chars et le BIR. Plus d’une centaine de jeunes Kamerunais furent assassinés, de milliers d’autres jetés en prison. Cette affaire constitue une grosse épine dans le pied du pouvoir RDPC, elle hante le sommeil des commanditaires de ces assassinats d’autant plus qu’avec les meurtrières luttes de succession que se livrent les clans au pouvoir, des fuites bien organisées alimentent le dossier d’un recours à la CPI contre le pouvoir en place à Yaoundé. Ceci explique l’extrême prudence du régime qui a entrepris une vaste campagne de communication à travers les médias gouvernementaux Cameroon Tribune et CRTV, pour convaincre l’opinion publique du bien-être de l’augmentation des prix du carburant. 
Les arguments du pouvoir RDPC 
Le pouvoir RDPC déclare que depuis une décennie, le gouvernement subventionne les carburants vendus aux Kamerunais à travers la CSPH. De quelques dizaines de milliards au début des années 2000, on est arrivé en 2011 à la somme faramineuse de 280 milliards. Et le gouvernement ajoute : « pour 2012, la subvention s’élèvera à 400 milliards, à cause des problèmes que connaît la SONARA ». À la question de savoir comment en est-on arrivé là, le gouvernement donne une réponse en trois temps.  
  • Premier temps : La SONARA qui raffine le carburant vendu au Kamerun a été conçue pour raffiner du pétrole léger. Or le pétrole produit dans le RIO DEL REY est lourd. Conséquence, la SONARA importe du pétrole au cours mondial pour le raffiner.
  • Deuxième élément : L’analyse de la structure de la subvention fait ressortir que ce sont les classes aisées, grosses consommatrices de carburant, qui profitent de la subvention de l’Etat.
  • Troisième élément de l’argumentation du régime : le budget de l’Etat ne peut plus soutenir cette subvention devenue exponentielle, qui pénalise par ailleurs l’investissement de l’Etat pour les infrastructures de communication et sociales.  
Une analyse rigoureuse de la situation qui prévaut dans le secteur pétrolier balaie les arguments du régime.  
Le montant de la subvention ne peut être apprécié qu’en rapport avec les recettes engrangées par l’Etat. Pour 2011, les recettes générées par le pétrole sont constituées des versements de la SNH au Trésor Public et des taxes appliquées à toutes les entreprises qui explorent, produisent, transforment, distribuent et commercialisent le pétrole. En 2011, ces taxes ont représenté entre 430 et 450 milliards de fcfa. Au total donc, l’Etat du Kamerun a encaissé la belle somme de 800 milliards de fcfa. Or cette même année 2011, l’Etat, à travers la CSPH a subventionné le pétrole vendu aux Kamerunais pour 280 milliards de fcfa. Il est donc resté dans les caisses de l’Etat 500 milliards de fcfa. La question qui vient à l’esprit est de savoir ce que l’Etat fait de ces 500 milliards. Les décideurs du régime rétorquent que cet argent alimente le budget de l’Etat. C’est peut-être vrai. Mais le doute subsiste tant que le Kamerun n’est pas éligible à l’ITIE (l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives). Il est reproché à l’Etat du Kamerun de gérer dans l’opacité les ressources de son sous-sol. Et de fait, de nombreux milliards engrangés par l’Etat du Kamerun à partir du pétrole sont pour partie injectés dans le budget de l’Etat, mais pour le reste, alimentent les fortunes des pontes du régime, les très hauts gradés de l’armée et de la police et leurs complices reconvertis en hommes d’affaires. A combien se chiffre le montant de ces détournements ? Il ne serait pas surprenant que ce montant soit égal ou supérieur aux subventions versées pour la stabilisation des prix des carburants. La solution au problème est donc simple : il faut maintenir les subventions et supprimer les détournements.  
Presque tous les Etats pétroliers du monde subventionnent les carburants vendus à leurs citoyens. Le Kamerun essaie de faire exception, non pas pour réorienter ces subventions vers le développement du pays, mais pour permettre aux hommes et femmes qui ont fait main basse sur l’Etat et l’Administration de s’enrichir toujours plus, mais illicitement. Le Kamerun a la réputation d’un pays où certains agents publics aux salaires dérisoires, réussissent en dix ans,  à se fabriquer d’immenses fortunes évaluées en centaines de millions sinon en milliards de francs cfa, sans recourir au crédit ! Dans notre pays, les plus grosses fortunes appartiennent d’ailleurs aux agents de l’Etat !  
L’argument du cours mondial du pétrole qui serait imposé à la SONARA lui non plus ne tient pas la route. On commence par s’étonner que plus de 30 ans après sa mise en service, la SONARA n’ait pas bénéficié d’une extension pour le raffinage du pétrole produit  au Kamerun. Ceci dit, dans le système économique libéral qui est le nôtre, la SONARA achète le pétrole au prix du marché, que ce pétrole soit produit au Kamerun ou importé de chez les voisins. La SONARA n’est donc pas en cause, elle qui raffine le pétrole selon les standards internationaux. Son expertise et sa compétitivité ne sont pas en cause. Le prix du carburant à la pompe représente de 4 à 5 fois le prix sorti de l’usine SONARA. La différence est constituée de taxes, des coûts de transport, du coût de péréquation, des marges des distributeurs. 
L’argument de subvention qui profiterait davantage aux classes aisées est en partie fondé. Ce qu’il faut toutefois dire c’est que toute augmentation du prix du carburant entraînera une inflation en chaîne qui se répercutera sur les prix des transports, des vivres et des aliments produits chez nous et transportés par des « opeps » et autres cars et camions, sur l’industrie cosmétique kamerunaise qui est très dynamique, sur l’industrie chimique et notamment les savonneries, les produits de nettoyage, les produits d’étanchéité, les produits de construction, grosses utilisatrices des dérivés du pétrole, sur le coût de l’électricité là où on est encore obligé d’utiliser les centrales thermiques. 
Il apparaît donc clairement que l’augmentation projetée du prix des carburants aura un impact négatif sur le pouvoir d’achat des classes moyennes et inférieures ainsi que sur la compétitivité de nos PMI chimiques, PMI parmi les plus dynamiques du pays. 
Comme on le voit, l’Etat-RDPC se fourvoie et essaie, une fois de plus, une fois de trop de faire supporter par les populations les plus fragiles, les classes moyennes et les classes de démunis, les errements et les échecs de sa politique économique et de sa mal gouvernance. 
Les Kamerunais sont en droit d’exiger la vérité sur le pétrole produit au Kamerun. Combien rapporte t-il exactement ? Combien de centaines de milliards la SNH reverse dans le Trésor Public ? Combien les taxes, les impôts, les prélèvements divers assis sur les profits rapportent-ils à l’Etat du Kamerun ? 
D’un autre côté, nous devons nous interroger sur l’utilisation qui est faite de la manne pétrolière. C’est sur la base de cette transparence qu’il sera possible, enfin, de définir une politique de développement assise sur le pétrole. Ce qui se trame en ce moment et donc l’objectif avoué est d’augmenter  les prix des carburants, n’est rien d’autre qu’une IMPOSTURE. 

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