Jun 1, 2013

Les milliards de la honte du "Dja" : Au nom des victimes, j’accuse!

Dr Désiré Essama Amougou
Médecin urgentologue 
Hearst, Ontario (Canada)


Sur les contours de cette nébuleuse où s’entremêlent négligence, corruption et détournements, se trouvent les racines du mal camerounais. La République doit faire aujourd’hui son examen de conscience. Des morts dans le placard. Un silence hypocrite face au devoir de mémoire. Un acte de grand brigandage et de délinquance resté impuni. L’enquête du collectif de journalistes rassemblés sous le label de « journalistes associés » est un témoignage brut qui remet le doigt sur la tétralogie de la conscience coupable d’une certaine élite. La rapine et la forfaiture n’ont pas toujours payé. La preuve, les morts ne sont pas morts…

L’argent a une odeur, contrairement à ce qu’on dit. Les milliards du drame du 3 décembre 1995 de Douala, malgré leur emballage hermétique, pue encore le sang putréfié de 71 victimes. 18 ans après le drame du Dja, des révélations sont remises au goût du jour. L’État camerounais avait pourtant décidé de garder le silence sur ce scandale, l’un des plus sordides de son histoire. Mais mal lui en a pris, l’affaire « C Camair 1995 » revient en manchette, un souvenir douloureux réintroduit à travers une enquête. L’affaire soulève des vagues d’indignation et continue de hanter la République. On nage en pleine eau trouble.


En tombant par hasard sur cette enquête, j’étais blême et confus. Je me suis dit : « c'est ça le Cameroun tout est susceptible de passer ». Mais je tiens à dire mon mot, par compassion, au nom du devoir de mémoire et de justice. Je voudrais ainsi manifester mon mécontentement et mon mépris vis-à-vis de ces gens, qui sans vergogne ont aliéné des morts et se sont permis, comme Issa Tchiroma Bakary, de faire des shows dans les médias en essayant de nous convaincre, ou à défaut de nous confondre et de nous embrouiller sur la véracité des faits.

L’argent a bel bien circulé d’après l’enquête. Aussi bien avant le drame qu’après. Beaucoup d’argent, empoché par les membres d’une pègre étatique. On parle de plus de 40 milliards. Le reste, on le connaît très peu. Peut-être que c’est des milliards que les Camerounais ne verront jamais ou du moins la trace. Le mutisme et les stratagèmes bancals de toutes sortes n’ont pas eu raison de la détermination de certains à en connaître la vérité.

On est le 3 décembre 1995, le "Dja et Lobo", l'avion de la Cameroon Airlines, l’ex compagnie nationale aérienne du Cameroun en provenance de Cotonou s’abîme dans la mangrove près de Douala. Le bilan est lourd : 71 morts, 3 rescapés. Au terme d’une procédure engagée contre Transnet SA, la société sud-africaine qui assurait la maintenance de la flotte camerounaise, pour négligence, toutes les victimes sont indemnisées.

A ce jour, un voile opaque et troublant continue d'entourer les circonstances ayant mené à la mort des victimes et à leur indemnisation. Sans aucun scrupule, il s’avère que fort de leur position haut placée, des personnalités tapies dans les lambris dorés de la République se sont servies du crash pour s’en mettre plein les poches. Dans sa 4e lettre ouverte rendue publique par la presse, le ministre d’État Marafa Hamidou Yaya, en 2012, lève le lièvre et accuse nommément le porte-parole actuel du gouvernement et ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, de corruption active ayant entrainé la mort des Camerounais. À l’époque des faits, l’homme était ministre des transports. Assez grave dans un pays qui se veut civiliser d’essayer d’y voir plus clair, malgré les dénégations maladroites de l’accusé

Il en sera de même pour messieurs Joseph Bélibi, PCA de la Camair et Louis Paul Motazé, directeur commercial à l’époque, également pointés du doigt d’avoir touché des pots de vin dans le contrat de maintenance qui a entrainé le crash. Foumane Akame, l’inamovible et tout puissant conseiller juridique du prince est aussi indexé d’avoir réceptionné et géré dans une opacité totale, près de 40 milliards de CFA en règlement du litige du crash opposant la Camair à la compagnie sud africaine, avec l’aval intéressé de Chief Milla Assouté, qui va par la suite se rebeler pour avoir été lésé. Autre personnalité citée, Amadou Ali qui couvre l’opération de son regard bienveillant.

Comme d’habitude, cette indemnisation a échoué dans d’autres poches que celles des ayants droits des victimes et des rescapés, qui n’ont rencontré jusqu’ici que dédain et arrogance. Est-ce à dire que ces messieurs n’ont aucun respect pour les morts et que seuls comptent leurs comptes bancaires? Ces faits sont corroborés en son temps par Chief Milla Assouté, un des témoins clés de l’affaire muré aujourd’hui dans un silence cadavérique, non sans être passé à la caisse, d’après l’enquête, pour plus d’un milliard de CFA... Le volubile leader politique d’hier, en exil à Paris, s’est désormais scotché la bouche, retourné par le pouvoir qui a vu en lui un témoin gênant.

Vous faites honte à la Nation!
L’enquête des « journalistes associés » est un nouveau couteau planté dans le cœur des rescapés et des familles des victimes. Un véritable pavé dans la marre! Foumane Akame, Issa Tchiroma, Joseph Belibi, Louis Paul Motaze, tous des détenteurs de l'autorité publique sont englués jusqu’au cou dans cette affaire de corruption et de distraction de fonds, avec des morts à la clé. Quand vont-ils dire leur part de vérité? Ils ont jusqu’ici bénéficié de l’omerta qui prédomine sous de faux prétextes de préserver la paix et la sécurité. Peu soucieux d'éthique, ils se cachent derrière le « droit de réserve » et se disent tenus par le « secret professionnel ». Que font-ils donc pour se montrer vertueux? N’est-ce pas tout bon chef devrait montrer l'exemple?

Messieurs les excellences, à votre place j’ai honte! J’ai honte, pour ceux qui comme vous n’ont pas honte... Comment des dirigeants les plus hauts placés du pays comme vous, parce que la "respectabilité" garantit l'impunité peuvent-ils continuer à garder le silence dans une affaire aussi grave? Est-ce vrai ce qui se dit sur vous? S’il vous plait, au nom de la mémoire, dites-nous la vérité et dites-la au monde entier. Restaurez votre honneur.

Pris par omission et par cupidité, la manipulation monstrueuse de cet argent sale est la résultante d’un vent mauvais qui souffle sur notre pays depuis des décennies et dont nous croyons pouvoir dire que les plus hautes autorités de l’État n’y sont pas étrangères. Le comble de la vulgarité, dans cette affaire, c’est d’invoquer pieusement le devoir de réserve et la mission sacrée de discrétion pour couvrir une opération mafieuse qui s’inscrit dans la foulée des finasseries habituelles de la République.

On a jonglé avec les milliards qui à la fin ont pris des itinéraires sinueux et angoissants. Ce sont les victimes du drame qui ont financé ce grand cirque. Peut-on en vouloir aux survivants ou aux ayants droits des victimes de se sentir volé, racketté, abusé? Les bien- pensants du régime diront que ceux qui dénoncent ce mal, un de plus et un de trop, sont des pêcheurs en eaux troubles. Mais que dire alors des responsables de toute cette gabegie?

Aucun acte d’instruction n’a été posé à ce jour. Aucun mis en cause n’a été entendu par un juge. Or, il est inconcevable que des personnalités publiques soient dénoncées dans une telle affaire scabreuse sans que cela ne fasse l’objet d’une instruction judiciaire comme c’est le cas de bien d’autres affaires dans le pays… Et ce ne sont pas les témoins qui vont manquer, Marafa Hamidou Yaya, Chief Milla Assouté, entre autres en savent assez …

Pour l’heure, les profiteurs peuvent se frotter les mains. Finies les tonitruantes protestations du début des années 90. Le régime de Yaoundé peut se targuer d’avoir réussi la capitulation des Camerounais, en exerçant une forme de main mise sur eux qui n’a pas d’antécédent dans l’histoire. Son originalité consiste à acheter les consciences à coup de prébendes et de corruption ou à museler à tour de bras y compris par l’intimidation, la répression et la brutalité. Pendant ce temps, les apparatchiks mangent et pillent en toute quiétude en anesthésiant les populations désemparées et trop mineures à leurs yeux. Pire, comme dans toute religion, le Cameroun a sa Bible : la paix... Une paix qu’on oppose à toutes les sauces. Mais doit-on pour autant tout accepter? Certainement pas.

Une mission salvatrice

Bien qu’aucune procédure judiciaire au monde ne puisse ramener les victimes à la vie pour leurs proches, une plainte avec constitution de partie civile doit être déposée par les familles et les rescapés.

Ainsi, en tenant compte de ces quelques éléments signalés ci-dessus, Monsieur le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, nous croyons fermement en votre éthique professionnelle et en votre patriotisme. Il relève de votre compétence d’ordonner une enquête sérieuse et rigoureuse à cet effet pour faire la lumière sur ce crime qui ne saurait être imprescriptible, parce que commis sur le dos des morts, ce qui permettra de rappeler à l’ordre les pilleurs qui jouissent encore de l’impunité totale.

Nous voulons que les responsabilités soient situées, et que désormais l’élite dirigeante comprenne qu'elle doit toujours avoir une conduite républicaine...Le Cameroun est pour le peuple camerounais et non pour une canaille ultra minoritaire et maffieuse qui veut le maintenir en état de servitude.

C’est pourquoi nous lançons une pétition pour sensibiliser l’opinion publique internationale et contraindre les autorités camerounaises à rouvrir ce dossier qui pue la magouille à ciel ouvert.

N.B : Pour signer la pétition, copier l’URL ou cliquez sur le lien ci-dessous :

http://www.petitions24.net/justice_et_verite_pour_les_victimes_du_dja___2005_de_la_camair

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