Président National du MANIDEM
Curieuse coïncidence. Le sommet de la Francophonie et de la
Françafrique s’est achevé la veille du jour anniversaire de l’assassinat d’un
des plus illustres fils d’Afrique. C’est parce que le jeune capitaine de 37 ans
était devenu une épine dans les pieds de la Françafrique que mission fut donnée
à Houphouët-Boigny, le traître de toujours, de recruter un tueur à gage dans
l’entourage de SANKARA. C’est à Blaise COMPAORE, compagnon et « ami »
de SANKARA que revint l’« honneur » d’éliminer physiquement le grand
leader panafricaniste.
BREF RAPPEL DU CONTEXTE POLITIQUE
AFRICAIN DE L’EPOQUE.
En 1981, François Mitterrand accède à la Présidence de la
République française. C’est la 1ère fois qu’un socialiste est élu à
cette fonction depuis l’instauration de la 5è république en France. Ses
premiers discours créent le choc et annoncent la rupture avec les pratiques de
la France gaullienne. On retiendra surtout le discours de la Baule et celui de
Cancún. Démocratie, respect de droits de l’Homme, autodétermination des peuples
sont les thèmes développés par le locataire de l’Elysée. Les Africains noirs,
surtout ceux de l’espace dit francophone rêvant de la fin des dictatures et de
la misère, les espoirs divers sont permis. La Haute Volta comme tous les pays
« francophones d’Afrique, qui s’enfonce dans la dictature moyenâgeuse et la
corruption, secrète la misère sociale et la frustration des populations. Un
groupe de jeunes officiers dirigés par Thomas SANKARA et Blaise COMPAORE, tous
formés à l’Ecole Militaire Inter-armes (EMIA) de Yaoundé, prend le pouvoir à Ouagadougou.
SANKARA y est désigné comme chef d’Etat. En 4 ans, de 1983 à 1987, SANKARA,
COMPAORE, ZONGO et LINGANI vont opérer des transformations radicales de la
société voltaïque. Le pays change de nom, il devient BURKINA-FASO (le pays des
hommes intègres)
II-
L’ŒUVRE DE SANKARA
L’accent est mis sur la volonté et la dignité : « nous
devons compter sur nos propres forces ; l’aide étrangère qui nous avilit
doit être rejetée » déclare SANKARA en août 1984. La décolonisation des
mentalités et des structures économiques et sociales est érigée en priorité des
priorités. Dans un discours célèbre en 1985, SANKARA déclare : « nous
devons travailler à décoloniser nos mentalités et rechercher le bonheur dans
les limites du sacrifice que nous sommes prêts à faire pour la réalisation de
notre idéal de vie. Nous devons aider et former notre peuple à regarder la
vérité et la réalité en face, sans avoir honte d’elles. Notre situation ne doit
pas nous faire honte ou nous effrayer. Nous devons nous assumer, glorifier au
besoin notre africanité et être fier de ce que nous sommes ».
Pour mobiliser son peuple dans cette bataille pour la
construction d’un homme nouveau, SANKARA lie la parole à la pratique. Il réduit
considérablement le train de vie de l’Etat et de ses hauts commis en commençant
par lui-même. Le chef de l’Etat, les ministres et les hauts commis roulent dans
de modestes voitures de 4 à 8 CV. Les déplacements du chef de l’Etat à
l’extérieur du BURKINA se font dans des avions commerciaux ou dans les avions
de ses homologues plus riches. Chef de l’Etat, ministres, hauts gradés de
l’armée, hauts commis de l’Etat, directeurs généraux des sociétés d’Etat voient
leurs salaires ajustés au statut de pays pauvre qu’est le BURKINA. La
corruption, véritable fléau dans l’ancienne Haute-Volta, a connu un traitement
de choc soutenu par la volonté politique de SANKARA et ses amis de ne laisser
personne et surtout pas les gestionnaires détourner les fonds publics.
Etre intègre et patriote, n’avoir aucun complexe, compter en
priorité sur ses propres atouts, travailler très dur pour le bien-être
personnel et collectif, construire dans la solidarité une société de progrès et
de justice. Tels ont été, pendant les quatre années de son gouvernement, les
priorités de Thomas SANKARA. Il terminait tous ses discours par « la patrie
ou la mort, nous vaincrons ».
III-
L’IMPACT DE SANKARA SUR LA JEUNESSE AFRICAINE
Pour la jeunesse africaine, victime de la mal-gouvernance de
ses dirigeants, de la dictature des régimes autocratiques, de la corruption des
élites, de la soumission des dirigeants africains à l’Occident arrogant, des
humiliations, des imposteurs venus d’Occident, du chômage massif, le discours
de SANKARA a créé un espoir de libération rappelant ceux de NKRUMAH, de LUMUMBA
et de UM NYOBE.
Le flamboyant et charismatique dirigeant burkinabé obtint
alors un statut tout à fait spécial dans le cœur de la jeunesse et des peuples
opprimés d’Afrique noire. Partout en Afrique « francophone » se
formèrent des cercles sankaristes regroupant des jeunes, y compris des
militaires, désireux de comprendre l’exemple burkinabé. Même l’hebdomadaire Jeune
Afrique, pourtant proche des dictateurs francophiles, dut relayer avec emphase,
grâce à la plume d’Andriamirado, l’expérience de SANKARA.
SANKARA distillait la fierté et l’optimisme. Enfin un
dirigeant noir-africain qui refusait de plier l’échine et qui parlait aux
dirigeants occidentaux en les fixant droit dans les yeux. La jeunesse africaine
exultait, elle avait trouvé son leader. Elle commença à se mettre en rangs de
bataille.
IV- LA FAUTE ET LA MORT DE SANKARA
Fort de sa popularité et de son aura grandissantes, Thomas
SANKARA commit l’erreur de sous-estimer la méfiance et la nocivité de ses pairs
« francophones ». En recevant la Jeunesse africaine qui affluait au
Burkina avec l’ambition de se former à la « révolution africaine »
pour instaurer un nouvel ordre politique en Afrique, SANKARA signa sans doute
son arrêt de mort. La réaction des dictateurs francophiles s’organisa en deux
temps. Il fallait d’abord obtenir l’accord du patron de la Françafrique pour le
crime qui se préparait. François Mitterrand confia l’organisation du crime à
l’éternel traître qu’a été Houphouët-Boigny. Conscient de la fragilité
économique et militaire du BURKINA, Houphouët demanda à Moussa Traoré,
dictateur en poste à Bamako de punir SANKARA. Le prétexte d’un incident
frontalier avec l’armée burkinabé donna l’occasion à Moussa Traoré de lancer
son armée à la poursuite de SANKARA. Malheureusement pour Houphouët-Boigny,
l’armée burkinabé gonflée à bloc et défendant sa patrie, mit rapidement en
déroute une armée malienne démotivée, inexpérimentée et sans ressources.
Houphouët changea alors de stratégie. Il recruta dans l’entourage de SANKARA
des chargés de mission pour mettre en œuvre la « solution finale ».
COMPAORE, LINGANI et ZONGO entreprirent de contester les orientations de
SANKARA lors des réunions du Conseil de la Révolution et du Gouvernement.
SANKARA était accusé d’aller trop vite et trop loin, prenant ainsi le risque de
fatiguer le peuple par une cascade de réformes toujours plus avant-gardistes ;
il lui fut aussi reproché de préparer l’isolement diplomatique du BURKINA. Le
complot était en marche. SANKARA fut mis au courant du complot mais crut à de
la manipulation des services secrets français. Le 15 octobre 1987, quatre ans
après avoir fondé le BURKINA FASO et donné une nouvelle âme aux peuples
opprimés de l’Afrique, le grand homme, seulement âgé de 37 ans était
sauvagement abattu par des hommes au service de COMPAORE lui-même n’agissant
qu’en sous-traitant de la Françafrique. Une onde de douleur et de révolte
traversa l’Afrique. Pourquoi et pour combien de temps ? How
long shall we accept they kill our leaders? se révolte BOB MARLEY.
Oui en effet, pourquoi les Africains continuent-ils
d’accepter qu’on assassine les meilleurs
de leurs fils et filles, les meilleurs de leurs leaders ? A quand la
révolte et la prise de conscience ? A quand le courage d’en finir avec
l’esclavage ?
La suite de l’histoire, on la connaît. Bien conseillé par
Houphouët, COMPAORE assassina ses deux complices LINGANI et ZONGO, il fut
adoubé par la Françafrique et devint le sous-traitant régional de tous les
complots de la Françafrique contre les patriotes africains. Il joua pleinement
et correctement ce rôle, lors de la crise ivoirienne. Il est au pouvoir depuis
25 ans ! Personne ne s’inquiète de la longévité et des atteintes aux
droits de l’homme du « rectificateur ».
Le 16 octobre 1987, RFI, la radio officielle du Ministère
Français des Affaires Etrangères, annonça avec jubilation la mort de SANKARA et
justifia son assassinat par le conflit qu’il avait entretenu dès le départ avec
ses trois compagnons. L’expérience a tourné court, concluait RFI. La radio de
la Françafrique ne fut pas la seule à jubiler. Aussi curieux que cela puisse
paraître, deux dirigeants en exil de l’UPC combattante se félicitèrent de cet
assassinat en prenant fait et cause pour l’assassin. Pour l’histoire, nous tenons
à mentionner leurs noms : NGOUO WOUNGLY-MASSAGA et Siméon KUISSU. Le
premier rejoignit en 1990 M. BIYA et se mit à combattre l’Opposition politique
durant les années de résistance et de lutte pour la démocratie. Le second a
rejoint en 1992 KODOCK BAYIHA avec qui il s’est brouillé, il est aujourd’hui le
vice-président du parti de MILLA ASSOUTE.
Noël Isidore Thomas SANKARA, premier président du Faso,
illustre fils d’Afrique, repose avec la vingtaine de combattants qui furent
assassinés en même temps que lui, dans un anonyme cimetière non entretenu à
l’extrémité sud de la grande et belle ville de Ouagadougou. Aucun monument
n’est érigé en la mémoire du fondateur du Faso. Aucune rue, aucun édifice ne
porte le nom SANKARA. Pourtant, 25 ans après son assassinat, les Africains,
partout dans le continent noir, continuent de réclamer et de se réclamer de
l’héritage de SANKARA. Même enfoui, un diamant continue de briller.
Fait à Douala, le 15 octobre 2012
No comments:
Post a Comment
Sous la rubrique “Select Profile”, cliquez sur “Name/URL”. Insérer votre nom, puis tapez votre message. Cliquez ensuite sur “POST COMMENT” pour envoyer votre commentaire.